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dans les paysages de M. Linnell, les Carrières de Sable, le Parc à Moutons vers le soir, Sous l’Aubépine et Sur la Colline, — une pointe de monticule où des glaneuses s’ébattent sous une lumière chaude avec des épis plein les mains. Ce peintre aime surtout à étendre les gloires du soleil couchant sur un champ de blé. Ces effets de lumière riche et abondante ne sont point étrangers par certains jours au ciel de la Grande-Bretagne ; mais ce qui lui appartient mieux est une aube grisâtre, un sourire mélancolique du soleil sur les nuages plombés, des fuites de nuées floconneuses qui ressemblent à une toison dispersée par le vent. Ce qu’on rencontre à chaque pas en Angleterre est une verdure crue, une végétation presque noire à force de santé, des sentiers mystérieux bordés de haies hautes et des bois où le feuillage, uniforme à première vue, emprunte une variété infinie de teintes au jeu des ombres et de la lumière. Ces petits bois sont entourés d’une frange de broussailles et de fougères dorées, puis bordés par des traces de culture où l’on sent bien la main de l’homme, mais où l’art n’a point tout à fait détruit le charme primitif de la nature. Cette forme de paysage si simple a fourni mille sujets au pinceau de Creswick ; l’écueil était la monotonie, et cet écueil, l’artiste anglais ne l’a point toujours évité, quoiqu’on respire dans quelques-uns de ses tableaux un parfum de poésie locale, comme par exemple dans le Nuage qui passe (a Passing Cloud). Les Splendeurs d’un jour d’été dans le Gloucestershire revivent sur une toile de M. J. Archer, où l’on voudrait seulement un peu plus de légèreté, de transparence et de gradation dans les lumières, mais où un groupe d’enfans et de jeunes filles, tressant sous un ciel chaud des couronnes de fleurs sauvages, mêlent bien la fête de l’adolescence à la fête de la belle saison[1]. L’été, si célébré par les paysagistes anglais, n’est pourtant dans la Grande-Bretagne qu’un visiteur rapide et incertain ; la belle saison est l’automne. M. Cole, avec plus de sentiment que de force, a saisi l’un des aspects de l’automne ; mais la voie reste ouverte après lui aux artistes qui sauront comprendre que les gloires du paysage britannique sont surtout dans les beautés de la décadence, telles que les feuillages rouillés et les soleils couchans. Un des paysagistes modernes les plus esti-

  1. Je citerai encore, comme contenant quelques traits du paysage dans divers endroits de la Grande-Bretagne, le Gite des coqs de bruyère, par M. Wolf ; une Tempête sur les côtes de la Cornouaille, par M. Lee, où la mer se brise contre des roches à couleur poudreuse ; une Pierre druidique, de M. M’ Culloch, s’élevant au clair de lune sur des landes incultes de l’Ecosse et près d’une flaque d’eau tragique ; une Forêt de fougères, de M. Marc Anthony, croissant sous une forêt de hêtres comme des nains protégés par des géans ; enfin la Chasse aux oiseaux de mer, de M. Collins, — des enfans glissant le long des rochers, tandis que quelques-uns des oiseaux dont ils emportent les nids décrivent des cercles effarés autour des récifs.