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concordats, et la papauté, à la fois pontificat religieux et souveraineté politique, était le suprême symbole de cette constitution générale des sociétés catholiques. Tout autre est la nature et la portée du conflit dont nous sommes les témoins et les acteurs. Les deux principes sont encore en présence, mais cette fois c’est pour se séparer sans retour. La notion de l’état laïque est sortie de la révolution française comme une des plus grandes victoires obtenues par la justice dans le gouvernement des sociétés auxquelles elle doit assurer par son complet développement la liberté politique et religieuse. La force des choses et la puissance des événemens ont donné pour mission à l’Italie d’accomplir l’acte radical, décisif, consommateur de la séparation des deux pouvoirs, en plaçant à Rome, où était le nœud de l’union de ces pouvoirs, le nœud de la nouvelle nationalité italienne. Donc, dans ce conflit, pas de transaction possible, car qui dit transaction dit partage, conciliation, satisfaction commune de deux prétentions rivales. Or ici il faut que l’une des prétentions succombe devant l’autre, sauf à retrouver sous une autre forme les garanties de droit que lui doivent les sociétés modernes. Dans un tel duel, venir parler d’arrangemens fondés sur des concessions mutuelles, c’est demander à l’une des parties la désertion et comme le reniement de sa cause. Or les causes honorables et vivaces ne consentent jamais, il faut le reconnaître pour l’honneur de la nature humaine, au suicide de l’abdication. Elles préfèrent, et avec raison, une éclatante défaite, qui est comme un arrêt de la force des choses, sous laquelle on plie par contrainte, mais sans honte, à une capitulation prématurée et à un vil marchandage par lesquels elles donneraient un acquiescement dégradé à des situations repoussées par leur dignité et leur conscience. L’Italie elle-même a montré au monde, dans la journée de Novare, qu’il est des cas où il vaut mieux être vaincu par l’ennemi que de fléchir dans sa foi et de succomber à sa propre défaillance. C’est dans le feu de ce sentiment qu’est la beauté de la grande parole chevaleresque de François Ier : «Tout est perdu fors l’honneur. » Pourquoi chercherait-on à ravir à l’église temporelle, personnifiée dans la cour de Rome et traversant sa suprême épreuve, l’honneur d’une résolution semblable? Que gagnerait-on à empêcher le pouvoir temporel, qui a été une si grande chose dans la vie de l’Europe, de finir avec la noblesse qui sied aux grandes choses humaines?

Reconnaissons donc qu’en un tel débat les habiletés politiques sont un vain amusement. Abandonnons l’illusion puérile que l’on puisse obtenir de la cour de Rome, par les déguisemens et les détours d’une négociation diplomatique, des concessions qui l’humilieraient en nous amoindrissant. Nous le répéterons à satiété, il n’est pas possible d’obtenir de la papauté une renonciation volontaire au pouvoir temporel ; il n’y a pas d’autre moyen d’en finir que de le lui retirer et de placer entre elle et ce pouvoir l’infranchissable barrière de la force des choses. A-t-on jamais vu l’église abdiquer volontairement aucun des avantages temporels, aucun des privilèges poli-