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tiques qu’elle a perdus? A-t-elle abandonné par les voies diplomatiques les propriétés et les juridictions ecclésiastiques, la dîme, le monopole de l’état civil? Non : elle a perdu ces privilèges; jamais elle ne s’en est volontairement dessaisie. Pour qu’elle se résignât à s’en passer, il a fallu, tranchons le mot, que la société laïque crût avoir le droit et eût le courage et la force de l’en dépouiller. Comment voudrait-on que les choses se pussent passer autrement pour le pouvoir temporel de la papauté? La papauté ne peut pas, ne doit pas rendre ce pouvoir; elle ne le rendra pas, il faut donc que quelqu’un croie avoir le droit et ait le courage et la force de le lui ôter. Or, comme elle ne conserve ce pouvoir que par la protection militaire de la France, c’est à la France de porter le coup décisif. C’est elle qui doit puiser dans le sentiment de son droit le courage suffisant pour affronter cette responsabilité, en marquant le terme de la protection militaire qu’elle a si longtemps accordée à la cour de Rome.

La logique des principes de la révolution, portant ainsi le flambeau en avant des événemens, nous en montre l’aboutissement infaillible. Sans doute, et nous n’en sommes pas surpris, la faiblesse humaine eût voulu se ménager la commodité de transitions ralenties; elle répugne à se trouver, sous un plein jour soudain, en face de ces conséquences extrêmes, de ces solutions radicales, de ces responsabilités écrasantes. Elle demande merci aux deux principes antagonistes, elle implore des délais. Changer la forme du gouvernement temporel de l’église, quel problème! Est-il possible d’en improviser la solution? Un grand homme d’état mourant n’a pas voulu emporter au tombeau son secret et nous a crié la devise de l’avenir : « l’église libre dans l’état libre. » La liberté dans l’église, la liberté dans l’état, la liberté partout, conséquence inévitable, au sein des états catholiques, de l’évanouissement du pouvoir temporel, quel autre éblouissant fantôme plein d’éclairs et de tonnerre! et comment en soutenir la vue? Qu’y faire cependant? Ces commotions, ces dangers, ces surprises, tout cela, il y a quatre ans, était encore scellé dans la boîte du magicien. On l’en a fait sortir malgré l’avis des prudens; on ne l’y fera plus rentrer. On ne remettra plus le couvercle sur ces forces révolutionnaires déchaînées, avant qu’elles n’aient trouvé leur direction régulière par l’accomplissement des inexorables lois de la révolution et de l’histoire. Le temps des atermoiemens est épuisé, la période des transitions est achevée, ou plutôt, par une pente nécessaire, c’est au profit du futur ordre de choses que se ménagent les transitions. Par la bouche du cardinal Antonelli, l’église, pensant à son indépendance dans l’avenir au moment où s’écroule l’ancienne garantie de son indépendance dans le passé, refuse avec raison de devenir la mercenaire de l’état laïque, et préfère à un tribut de trois millions offert par un gouvernement les contributions volontaires des fidèles, le denier de saint Pierre. Or qu’est-ce que le denier de saint Pierre, sinon le commencement de ce que l’on appelle, en matière d’entretien des cultes, le système volontaire, sinon l’idée mère du budget de l’église libre dans l’état libre? La