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REVUE DES DEUX MONDES.

quelques points isolés du littoral. On ne sait rien du reste. L’intérieur du pays n’a point été exploré. Pour la région qui a été parcourue par Mme Ida Pfeiffer et par M. de Corbigny, on a vu par leurs récits ce qu’il faut en penser : peu de population, peu de culture, des plaines tantôt couvertes d’un sable brûlant, tantôt inondées par des pluies torrentielles; partout la fièvre. Mme Ida Pfeiffer en est morte, M. de Corbigny en a ressenti les redoutables accès, et il n’en a été quitte qu’à son retour en Europe. Faire campagne dans un tel pays, ce serait plus que de l’imprudence. On parle, il est vrai, d’assainissement au moyen de travaux hydrauliques; on espère le développement des productions de l’île sous une administration meilleure, et l’on escompte la révolution politique et sociale que le roi Radama II doit opérer à Madagascar. Ces espérances n’ont rien de solide, elles ne reposent que sur des hypothèses. Voici en définitive ce qui nous paraît le plus sage : profiter des bonnes dispositions du nouveau roi pour accroître les rapports commerciaux de notre colonie de La Réunion avec Madagascar, entretenir avec la cour d’Atanarive des relations amicales qui faciliteront aux missionnaires et aux négocians l’accès du pays, donner à Radama les conseils qu’il paraît solliciter dans l’intérêt de son peuple, importer dans l’île, par le libre mouvement du commerce, de meilleurs procédés de culture, et préparer ainsi une consommation plus régulière des produits européens. Ce plan n’a rien de grandiose, il faut l’avouer; mais il ne coûtera rien, et pourra nous procurer quelque profit. Les autres projets, colonisation, prise de possession, protectorat, sont aussi dangereux que chimériques. S’il nous faut absolument un établissement colonial ou une position militaire dans les mers de l’Orient, et cette opinion est très soutenable, réservons tous nos efforts, toutes nos ressources pour l’expérience que nous poursuivons en Cochinchine. Cette contrée, au seuil de la Chine, est du moins plus rapprochée de la région de l’Asie où se portent actuellement l’activité et la concurrence européennes. Quant à Madagascar, gardons-nous d’y compromettre notre politique et nos armes. Une telle conquête, à supposer qu’elle soit possible, n’a rien qui puisse nous tenter.


C. LAVOLLÉE.




LES SOPRANISTES.

GASPARO PACCHIAROTTI.


Parmi les chanteurs exceptionnels dont j’essaie de raconter la vie éphémère et d’apprécier le talent[1], Pacchiarotti fut l’un des plus remarquables de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est mort presque de nos jours, on l’a vu, on l’a entendu, et les renseignemens positifs ne manquent pas sur ce virtuose éminent. Gasparo Pacchiarotti est né, on ne sait trop dans quel village de la Romagne, vers 1744. Il entra comme enfant de chœur à la cathédrale de Forli, où sa voix fut remarquée par un vieux sopraniste de la chapelle qui conseilla aux parens de Gasparo, pauvres sans doute, de consacrer leur fils à charmer les hommes par un horrible et honteux sacrifice. L’opération

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1861, du 15 avril et du 15 juillet 1862.