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bien que l’on ait répété partout qu’il resta maître de tout le parc de siège de l’armée fédérale. Ce parc au contraire, moins ces trois pièces, arriva intact au James-River. Le grand malheur fut d’être obligé d’abandonner un nombre de blessés très considérable, non-seulement à Gaine’s-Hill, à Savage-Station, mais aussi tout le long de la ligne que l’on suivait en se retirant. Ici le malheur était inévitable ; ce n’était qu’en se battant sans relâche qu’on pouvait protéger la retraite, et le transport de tant de blessés eut exigé des moyens qu’on n’avait pas.

Le général Mac-Clellan, pendant la journée du 29 et la matinée du 30, resta près du White-Oak-Swamp, pressant le passage de son immense convoi. La chaleur était accablante ; ses aides-de-camp, obligés de courir sans cesse de l’avant-garde à l’arrière-garde, étaient épuisés de fatigue. Tant que ce vaste encombrement coupait, comme en plusieurs tronçons, le corps de l’armée, le danger était grand ; mais rien ne troublait la sérénité du général en chef. Ce jour-là même, il s’était arrêté pour se reposer un moment à une maison de campagne située sur la route et s’était assis sous la verandah, lorsque la maîtresse de la maison vint se plaindre à lui que les soldats mangeaient ses cerises. Le général se leva en souriant et alla lui-même faire cesser ce maraudage ; mais il ne put empêcher les obus ennemis de venir le lendemain incendier la maison de sa jolie hôtesse. Le 30, au point du jour, Mac-Clellan eut la satisfaction de voir toutes ses troupes, tout son matériel, tout le convoi au-delà du White-Oak-Swamp, qui allait opposer une nouvelle barrière aux efforts de la poursuite. La veille au soir, les corps de Keyes et de Porter avaient marché jusqu’au James-River et s’étaient mis en communication avec la flottille des canonnières. Le convoi avait suivi le mouvement sur divers chemins indiqués par des nègres qu’on avait pris pour guides. Les têtes de colonne n’avaient trouvé devant elles que quelques détachemens de cavalerie et les avaient culbutés. Le plus difficile était fait ; mais on ne pouvait douter que l’ennemi ne tentât de nouveau de jeter le désordre dans la retraite de l’armée. Aussi le général en chef prit-il de bonne heure ses dispositions. Il laissa Sumner et Franklin pour faire l’arrière-garde et défendre les passages du White-Oak-Swamp, et plaça Heintzelman, avec les divisions Hooker, Kearney, Sedgwick et Mac-Call, à cheval sur le point où se rencontrent les diverses routes débouchant de Richmond. Sous la protection de ces troupes, le convoi acheva sa marche et atteignit le James-River au moment précis où les transports chargés de vivres et de munitions, ainsi que les navires-hôpitaux, qu’une sage prévoyance avait mandés dix jours auparavant, y arrivaient de Fort-Monroë.