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une voûte factice, s’arrondissant sous le rocher, la soutenait et empêchait les éboulemens. La forme générale de la grotte serait hémisphérique sans la longueur des côtés. Au fond, deux larges gradins, coupés au milieu par un escalier de sept marches, suivent les contours de cette sorte d’abside ; la paroi terminale est tellement dégradée qu’il est impossible de reconnaître s’il y existait un autel, comme l’ensemble des lieux le fait supposer. Les gradins sont en briques encore revêtues de stuc, ainsi qu’une assez grande chambre effondrée qui s’enfonçait sous le rocher, à droite, avant l’entrée de ce temple souterrain. L’ouverture, je n’ose dire la porte, donnait vers la mer, qui miroite à cinq cents pieds plus bas ; un buisson de ronces y pend aujourd’hui et semble une clé de voûte près de se détacher. Aux débris qui subsistent encore de la coupole écroulée, des chauves-souris suspendues attendent le crépuscule pour prendre leur vol. On parvient à cette grotte, qui mérite d’être visitée, par un sentier âpre, difficile, composé en grande partie d’étroits degrés où l’on distingue encore les vestiges d’un escalier antique. Les gens de Capri prétendent que cette grotte, au fond de laquelle s’élèvent des gradins, servait de tribunal dans le temps des Romains.

J’ai vu au musée de Naples le bas-relief trouvé dans cette grotte; il est assez semblable aux autres représentations mithriaques, sauf qu’il ne porte pas l’inscription ordinaire : Deo Soli invicto Mithrœ. Le fils d’Albordj, la montagne sacrée, Mithra, s’appuyant sur le taureau Aboudad, d’une main l’a saisi par la lèvre inférieure, et de l’autre lui plonge un couteau au défaut de l’épaule; du flanc gauche de la victime sort son âme, Goschoroun, et de son flanc droit naît Kaiomorts, qui, en se modifiant dans les traditions arabes, doit devenir Kaiumarath. Le serpent envoyé par Ahriman s’élance vers le taureau, afin de participer à sa mort, tandis que le chien dépêché par Ormuzd accourt pour lui rappeler Taschter, Sirius, la constellation bienheureuse, emblème de résurrection qui doit reparaître à la fin du monde. Le scorpion, antique symbole équinoxial, mord Aboudad, comme pour tarir en lui les sources de la génération; Mahpai, sortant de son croissant, et Khorschid couronné de rayons, précédé par son aigle, paraissent dominer cette scène du haut de l’empyrée. Le travail du bas-relief est assez grossier, ce qui est commun à tous les monumens mithriaques que les Romains nous ont légués. Il est douteux que le temple souterrain de Capri ait existé du temps de Tibère, car c’est seulement vers la fin de son règne que le culte de Mithra fut introduit à Rome.

Non loin de la caverne sacrée, parmi les rochers de la côte qui affectent d’étranges attitudes, se dresse dans sa haute majesté l’arc immense connu à Capri sous le nom d’Arco naturale. C’est une roche trouée qui forme un porche de six cents pieds d’élévation;