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avec la dernière révolution géologique de Rome, précède la naissance de son premier roi, et ce premier roi lui-même, soumis à un nouvel examen, a un peu changé de condition. De voleur de troupeaux il en est devenu gardien, et s’il s’est adjoint plus tard quelques maraudeurs, c’est qu’il était trop peu de chose pour avoir d’autres sujets.

Donc M. Ampère croit encore hardiment à Romulus, et je ne demanderais pas mieux que de faire comme lui, quoiqu’il supprime Rémus, de qui j’avais toujours espéré descendre. Et cependant il faut qu’il me permette de l’arrêter sur le seuil. Il ne croit pas que Romulus ait donné son nom à Rome, c’est Rome plutôt qui lui aurait prêté le sien. Ce n’est pas qu’il n’ait fondé aussi sur le Palatin une Rome, un fort, une autre enceinte carrée ou polygonale dont il subsiste des pans de murs, et que l’on confond avec la première Rome, laquelle même n’était pas seule de son nom. Romulus n’était pourtant qu’un pâtre des troupeaux des rois d’Albe. Il les gardait sur le Palatin ; c’est pour les mieux défendre qu’il s’y fortifia en l’entourant d’un mur quadrilatéral, bâti suivant le mode étrusque, l’origine et le type du camp romain. Cette obscure fondation, dont l’histoire rapporte avec gravité le cérémonial détaillé, a fait de Romulus un roi ; mais il reste en vérité bien peu de preuves de cette royauté et de son histoire. À quoi peut se réduire l’enlèvement des Sabines, quand on songe que les Sabins, plus puissans et plus redoutables, entouraient de toutes parts le Palatin, et n’est-ce pas donner aux choses un bien grand nom que d’appeler guerre la vengeance qu’ils ont pu tirer de quelques rapts commis par quelques bergers ou quelques bandits ? Enfin le résultat du prétendu règne de Romulus, c’est qu’il a pris le nom sabin (Quirinus), et les Romains aussi (Quirites). Si, comme le pense M. Ampère, Rémus fait double emploi avec Romulus, et que leurs deux noms signifient Rome également, si le meurtre de l’un par l’autre veut dire que la Rome du Palatin a survécu à toutes les autres, pourquoi Romulus serait-il plus réel que Rémus, et comment l’un aurait-il pu servir plus que l’autre à nommer Rome, puisque ce nom existait avant eux ? En tout, c’est une question pour moi très obscure, et je voudrais que M. Ampère me la résolût, celle de savoir comment s’est introduit ce nom « Romain, » comment il a prévalu sur tout autre, car s’il désignait particulièrement les habitans du Palatin, ceux-ci n’ont été ni les vainqueurs ni les maîtres ; ils n’ont obéi qu’à des rois sabins ou à des rois étrusques. Or ce ne sont pas les Gaulois qui ont imposé leur nom aux Francs, et comme il est historiquement établi que les Latins, dont les Romains n’étaient qu’une tribu locale, ont formé le peuple proprement dit, la nation plébéienne, on se demande