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tion contre cette révolution, elle interviendrait à l’instant même. Cette déclaration anéantissait l’autonomie de la Serbie et le traité de 1856 : l’autonomie de la Serbie, car elle transformait le droit d’occupation que la Turquie possède à Belgrade en droit de surveillance et de direction; le traité de 1856, car l’Autriche oubliait les termes exprès de l’article 29 de ce traité: « Aucune intervention armée ne pourra avoir lieu en Serbie sans un accord préalable entre les hautes puissances contractantes. »

La France réclama contre le projet d’intervention autrichienne, et surtout contre le droit que l’Autriche s’attribuait. Elle avait mille fois raison. S’il suffisait en effet d’une crainte et d’un appel de la Turquie pour légitimer l’intervention de l’Autriche, le traité de 1856 n’existait plus; la Turquie n’était plus placée sous la garantie collective de l’Europe, garantie que le traité de 1856 avait expressément étendue aux principautés du Danube et à la Serbie : elle était placée sous le protectorat de l’Autriche, qui aurait remplacé celui de la Russie. Quand l’Autriche élevait cette prétention, c’était avant la guerre d’Italie. Elle était alors très infatuée du succès qu’elle avait eu au traité de 1856, car elle n’avait pas fait la guerre de Crimée, et c’était elle qui en avait le plus profité. Cette guerre, qui avait détruit le protectorat de la Russie en Turquie, avait du même coup détruit l’ascendant que la Russie exerçait sur l’Autriche depuis la guerre de Hongrie. Avant le traité de 1856, l’Autriche n’avait envers la Russie qu’une ingratitude impuissante; depuis ce traité, son ingratitude était devenue victorieuse. Elle jouissait donc de ce triomphe, et voulait en jouir contre ses voisins. La guerre d’Italie a détruit cette ambition ; elle a détruit l’hégémonie que l’Autriche s’arrogeait en Orient, et l’a transportée à l’Angleterre.

La question de l’intervention de l’Autriche en Serbie n’eut pas de dénoûment. Le pacha de Belgrade ne réclama pas contre la révolution serbe, et la Porte-Ottomane approuva la déchéance du prince Alexandre et l’avènement du vieux Milosch. Il ne resta de cette affaire qu’une preuve de plus du danger qu’il y a d’avoir remis aux mains des Turcs la citadelle de Belgrade, et la ville aux mains des Serbes. Il peut venir un jour où les Turcs appelleront les Autrichiens, qui viendront, diront-ils, comme alliés et comme voisins de la Turquie, et, s’emparant de Belgrade, prendront leur revanche de la vieille défaite de Joseph II.

Dans les autres démêlés de la Serbie avec la Porte-Ottomane, les grandes puissances ne sont pas intervenues; ce qui a rendu ces démêlés moins importans. Il est bon toutefois d’en dire un mot, car ils éclairent la situation du pays.

Le vieux Milosch mourut le 23 septembre 1860. Il avait demandé