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importance quand il sera prolongé sur le centre de la France, perce un groupe de petites montagnes où s’étagent les mille terrasses de la culture cananéenne ; il n’y a rien de plus frappant en Italie, et le versant méridional des Cévennes n’a rien à envier aux Apennins.

Telle est la puissante végétation de la vigne sur ce sol et sous ce climat, que, quand toutes les circonstances se rencontrent, terrain fertile, cépage productif, bonne culture, année favorable, la récolte en vin peut atteindre 300 et même 400 hectolitres à l’hectare ; ces résultats, qui sembleraient fabuleux s’ils n’avaient pour eux la notoriété publique, ne peuvent être que des exceptions ; la moyenne est de 40 hectolitres à l’hectare, ou le double environ de la production moyenne de la France. Le cépage le plus productif s’appelle l’aramon ; on en dit des merveilles, qu’il justifie par l’aspect luxuriant de sa végétation. Il craint beaucoup les gelées de printemps à cause de son extrême précocité, et ne peut par conséquent se répandre hors des pays très méridionaux.

Presque tous les capitaux produits par ces bénéfices inespérés ont passé en améliorations. La plantation des nouvelles vignes en a absorbé une partie ; une autre, et ce n’est pas la moins importante’, a servi à perfectionner les instrumens de vinification. Les vins de l’Hérault, destinés pour la plupart à la chaudière et n’atteignant qu’un très faible prix, étaient faits avec une extrême négligence. Rien n’était préparé pour les garder ; on les laissait le plus souvent dans les cuves ou dans de simples réservoirs en maçonnerie jusqu’au moment de la vente ; on les enfermait dans de vieilles futailles. Aujourd’hui on voit partout des foudres neufs et des barriques neuves ; le chemin de fer du Midi transporte des quantités énormes de bois de tonnellerie qui viennent en grande partie de l’étranger ; les taillis de châtaigniers qui couvrent les montagnes sont exploités pour cercles ; de vastes chais se construisent pour recevoir les excédans de récoltes qu’il serait avantageux de conserver.

On n’a vu peut-être nulle part un plus grand exemple des avantages économiques de la division du travail. Partout où la vigne ne forme qu’une culture secondaire, les propriétaires surpris, par l’oïdium n’ont opposé au fléau qu’une résistance molle et incertaine ; ici au contraire, comme il fallait vaincre ou périr, on a tenu tête avec énergie et on a triomphé. Le climat y prête un grand secours ; les vignes de l’Hérault sont moins que d’autres exposées à des pluies d’été qui lavent les parties soufrées et diminuent l’efficacité du remède ; grâce à cette propriété du climat et aux nouveaux débouchés qui s’ouvraient de tous côtés, on a pu faire des avances qu’encourageait une rémunération immédiate. La culture de la vigne et la fabrication du vin sont à peu près l’unique objet de la préoccupation universelle d’un bout à l’autre du département. Dès qu’une expérience, si petite qu’elle soit, s’essaie sur un point, tout le monde en est averti et la suit de l’œil. Un journal spécial, le Messager agricole du Midi, a été fondé sous les auspices de la Société d’agriculture de Montpellier et de son habile secrétaire, M. Mares, et rien de ce qui peut intéresser la viticulture ne passe inaperçu.

Nul doute que le département de l’Hérault ne puisse accroître encore sa production, la doubler peut-être ; mais il doit surmonter, pour en venir là,