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main des hommes et employées impunément depuis beaucoup d’années à l’entretien des routes du voisinage, on a découvert, au milieu du XVIIIe siècle, une chambre oblongue dont les pierres latérales (quatre de chaque côté sur les deux parois principales) sont couvertes d’images gravées en creux. Depuis la visite que fit Linné en 1740 à ce monument, on a essayé de l’expliquer de cent manières, sans jamais en trouver une satisfaisante. M. Nilsson croit avoir résolu le problème. Il remarque d’abord, en examinant les armes et instrumens en bronze qu’on trouve aujourd’hui dans le sol Scandinave, que l’ancien Nord n’était pas en possession des métaux nécessaires pour l’alliage employé dans cette fabrication ; puis il observe que les poignées des épées, de courtes dimensions, supposent évidemment des mains plus petites que celles des habitans, anciens ou modernes, de la Scandinavie, et ne conviennent qu’à des Orientaux. Il signale ensuite (et c’est là son véritable point de départ) l’étroite ressemblance entre la forme des ornemens qui décorent les instrumens et les armes du prétendu âge de bronze, et celle des ornemens ou dessins qu’on trouve sur les parois intérieures du tombeau de Kivik. Cette ressemblance ne saurait être fortuite, parce qu’elle ne se reproduit dans le Nord sur aucun autre objet que les instrumens et les armes constituant l’âge de bronze, parce que les formes sont identiquement reproduites sans laisser place au caprice, et parce qu’elles se retrouvent absolument les mêmes, non-seulement à Kivik et sur les bronzes, mais encore dans plusieurs monumens du reste de l’Europe et de l’Asie. Au nombre de ces derniers monumens, qui lui ont servi de points de comparaison et forment une chaîne non interrompue de témoignages identiques, M. Nilsson cite plusieurs, chambres souterraines dans le pays primitif des Phéniciens, entre Sidon et Tyr, de pareilles à Malte, à Gozzo, et surtout en Irlande. Les chambres souterraines de New-Grange et de Dowth, qu’il a visitées dans le voisinage de Drogheda et qu’il décrit en détail, étaient, comme Kivik, entièrement inexpliquées avant sa publication. Surmontées aussi de collines factices que la main des hommes a formées de cailloux apportés, elles paraissent avoir été uniquement des monumens religieux consacrés au culte du feu ou du soleil ; les pyramides d’Égypte n’étaient pas autre chose après tout, bien qu’elles servissent en même temps de sépultures ; l’exacte orientation de ces monumens l’avait fait conjecturer déjà, et les pyramides votives que possèdent maintenant nos musées confirment ces caractères. Quant au monument de Kivik, il joint à des témoignages d’adoration envers Baal, divinité du feu ou du soleil, le souvenir d’un triomphe militaire remporté par les hommes qui l’ont construit. Singulier peuple que celui qui se donnait tant de soins et