Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous de sombres auspices : on voyait une guerre barbare éternisée, une occupation difficile à terminer avec honneur. L’hiver, qui déjà se faisait sentir et qu’on savait être rigoureux dans cette partie de la Chine, ne permit pas d’ailleurs d’attendre plus longtemps sans prendre un parti. L’armée alliée devait revenir sur ses pas, s’établir fortement à Tien-tsin et se relier, par Tien-kou, Sing-ko, Ta-kou, à sa base d’opérations, qui était la mer. En conséquence, l’armée navale devait subir l’hivernage ; elle s’y était préparée. L’influence du prince de Kong, son caractère, la position de ce prince dans l’empire, l’entremise d’une puissance européenne en relations de bon voisinage avec la Chine, changèrent brusquement la face des choses. Le général Ignatief fut le principal instrument de la paix, qui fut signée le 25 octobre 1860 par le baron Gros, lord Elgin et le prince chinois. La situation fut détendue, et les armées de deux grandes puissances se trouvèrent dégagées. Les forces navales et une partie du corps expéditionnaire devenant disponibles, on pouvait porter en Cochinchine un coup qui assurât désormais notre domination sur cette partie de l’Asie.

Le vice-amiral Charner, désigné par l’empereur pour commander cette expédition, s’occupa immédiatement de répartir les forces navales, dont il avait, depuis le commencement de la guerre de Chine, le commandement en chef. Il en forma deux grandes divisions. L’une fut la division de Chine et comprit la protection ou la surveillance de Ta-kou, de Tche-fou, de Shang-haï, de Chusan et du Japon. Il désigna le contre-amiral Protet pour en exercer le commandement, et décida que les navires de la division de Chine paraîtraient presque tous à de courts intervalles au Japon pour y montrer les moyens d’action dont la France disposait dans ces mers. Le Japon à surveiller, les rebelles à contenir dans leurs entreprises sur Shanghaï et sur Ning-po, le corps expéditionnaire à faire vivre, puis à rapatrier, un traité dont l’exécution était incertaine, une ligne de communication à maintenir entre Ta-kou et Tche-fou[1], toutes ces attributions faisaient du commandement du nord de la Chine un poste important, bien qu’il fût éloigné des opérations de guerre

  1. Le vice-amiral Charner, dans ses dernières instructions (4 décembre 1860) au capitaine de vaisseau Bourgois, commandant des forts de Ta-kou, lui faisait connaître qu’il devait se préoccuper de conserver les forts du Pel-ho, leur garnison, la flottille, que c’était là le point important de sa mission. Il fallait organiser un service de courriers du Peï-ho à Tche-fou, soit de concert avec le général Collineau et les autorités anglaises, soit avec la marine seule, s’il était impossible de s’entendre avec un tiers. Quelque coûteux que fussent ces courriers, ils le seraient moins que l’emploi d’avisos qui seraient exposés à périr. Le lieutenant de vaisseau des Varannes traça cette voie par une entreprise hardie exécutée au milieu de l’hiver et au prix des fatigues les plus dures. I ! fit cent quarante lieues on quatorze jours, et revint par la même voie avec les sept hommes qui l’avaient accompagné.