Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en dedans du rempart par le fait même des branchages qui nous faisaient obstacle, ne purent en être rejetés malgré les efforts des Annamites, dont on voyait les lances s’entre-croiser autour. Ces engins firent l’effet de herses, et trois brèches furent pratiquées. Malheureusement elles se trouvèrent à dix ou vingt pieds de distance, et chacune d’elles ne put donner passage qu’à un combattant. Des trois hommes qui s’y présentèrent les premiers, l’un, qui était de la Renommée, fut tué ; les deux autres furent blessés. Leurs corps, rejetés violemment en arrière, tombèrent dans le fossé. D’autres, suivant de près, escaladèrent enfin l’obstacle et sautèrent sur la banquette, qui était glissante de sang. Tout ce qui se trouva de ce côté périt par le fer ou par le feu.

Les Annamites, qui cessèrent de combattre, voyant que les passages allaient être frayés, s’éloignèrent quelques minutes avant l’irruption des Français. Ils filèrent en bon ordre et au pas le long des enceintes du camp. Une partie des nôtres se jeta à leur poursuite, mais sans résultat, car l’ennemi put disparaître dans un fort avant d’être rejoint. Le reste des troupes victorieuses se rallia autour de ses chefs. Il en était grand temps ; on se trouvait dans un compartiment battu de tous côtés, et rien n’était fait, puisqu’il y avait un second assaut à livrer, et qu’on se trouvait à découvert devant une ligne formidable. C’est en champ clos que l’on allait combattre, et le feu, suspendu un instant par les Annamites pour permettre à leur colonne d’entrer dans le fort, reprit avec une nouvelle furie.

Il est indispensable, pour l’intelligence des épisodes du combat du 25 février 1861, de décrire ici d’une manière sommaire l’ouvrage qu’il s’agit d’enlever. Jusqu’à présent l’armée expéditionnaire s’est heurtée contre une ligne d’une longueur de 1,000 mètres, l’un des petits côtés du vaste rectangle qui s’appelle Ki-hoa. Cette face, qui forme le revers de l’ennemi, est garnie de saillans aux deux extrémités : un fort fermé, appelé fort du Centre, s’appuie à la gorge sur le milieu de la ligne ; les deux saillans et le fort du Centre se flanquent mutuellement ; leurs feux balaient les approches par lesquelles les colonnes d’assaut ont dû cheminer. En outre ces approches sont couvertes, comme on l’a dit, sur une largeur de 150 mètres, de trous de loup, de fossés et de chevaux de frise. Vu à une certaine distance, tout ce système de saillans et de forts, dont le relief est du reste peu élevé, se projette sur un même fond et figure une ligne sans angles rentrans ni sortans. Le camp de Ki-hoa en cet endroit est partagé en deux compartimens par un rempart perpendiculaire au premier, garni de banquettes, percé de meurtrières, défendu par un fossé et un large espace couvert de piquets pointus entre-croisés. Cette ligne d’enceinte, désignée sous le nom de seconde ligne dans quelques rapports, est munie de deux redans. Une