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est répandue sur ces événemens militaires, si glorieux pourtant. C’est à en rechercher les causes, en essayant de la dissiper, que l’on voudrait s’appliquer dans la conclusion de cette étude.


VII

Quand l’expédition de Chine fut terminée d’une si surprenante manière, quand les forces de la France, devenues disponibles, se portèrent vers la Cochinchine, il sembla qu’on allait apprendre que le drapeau français serait planté à Hué comme il venait de l’être à Pékin. L’armée crut à une opération de guerre décisive qui donnerait la paix et réduirait l’empire annamite ; les religieux qui propagent la foi chrétienne, tous ceux qui s’intéressent à leurs dangers et à leurs sacrifices, pensèrent que l’influence de l’évêque d’Adran allait enfin revivre, et que leur espérance la plus chère était sur le point de se réaliser : l’exercice du culte chrétien serait solennellement inauguré dans la capitale de l’empire d’Annam, et l’évêque d’Hué, en sortant de la cathédrale, entrerait, comme autrefois, le premier dans le conseil de l’empereur. Un nom domina tout : la prise de Hué fut présentée comme une sorte de corollaire de la prise de Pékin. Tout ce qui n’était pas conforme à ce programme parut secondaire, timide, inférieur à ce qu’on avait acquis le droit d’attendre, inutile même.

L’armée expéditionnaire de Chine s’était frayé un passage jusqu’à la capitale du Céleste-Empire à la manière des boulets de ses canons rayés. Comme eux, instrument de destruction, elle avait passé, renversant des milliers d’hommes sans être entamée, et quand, au bout de cette marche militaire, malgré un attentat épouvantable, on jugeait cette aventure poussée assez loin, quand on voulait traiter, la Chine, pour voir partir les Européens, donnait tout l’or et toutes les garanties qu’on lui demandait. Les deux parties, dans cette affaire, estimaient donc qu’elles avaient gagné : les Chinois d’être débarrassés de nous, et de ne plus nous savoir près d’eux ; le gouvernement français d’être débarrassé de la Chine et de retrouver la disposition de ses forces après les avoir engagées à l’extrémité du monde.

Mais allait-on à Hué dans des conditions semblables, et, comme en Chine, allait-on se contenter d’humilier les annamites et de leur infliger un châtiment ? Nous n’avons jamais eu, que je sache, la prétention de coloniser la Chine : c’était justement ce que nous voulions obtenir du roi des Annamites pour la plus belle partie de ses états. Il n’a subi cette extrémité que contraint par la famine, par la misère de ses sujets, et par une insurrection formidable. Ainsi les deux guerres avaient un but différent. En Chine, la France allait infliger