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Chambéry, et surtout par l’exemple des agriculteurs intelligens, qui deviennent de jour en jour plus nombreux. La surface en prairies était déjà en 1852, suivant les statistiques sardes, de 230,000 hectares.

Le relief du pays, coupé de vallées profondes courant dans toutes les directions, offre d’admirables expositions aimées de la vigne, qui y grimpe à des hauteurs inconnues ailleurs. Dans la vallée supérieure de l’Isère, entre Moutiers et le bourg Saint-Maurice, elle s’élève jusqu’à 800 mètres. Le vignoble de Bellantre est, sauf erreur, le plus haut de l’Europe ; mais c’est là un fait exceptionnel : l’élévation moyenne de la vigne se maintient dans les vallées de la Savoie entre 5 et 600 mètres. On peut la cultiver avec avantage dans beaucoup de vallées, malgré la proximité des neiges, par suite du phénomène bien connu de la réverbération solaire : les rayons du soleil, réfléchis contre les parois des rochers dominans, concentrent la chaleur sur les coteaux qu’elle occupe, et la température s’y élève à un degré que ne comporte ni le climat général du pays ni la latitude équatoriale. On compte plusieurs de ces expositions privilégiées où les vins acquièrent les qualités des grands crus de France. Tels sont les vins blancs d’Aïse, de Seyssel et de Frangy, abrités par le Môle et les hauteurs du Wuache, les vins rouges du bassin de Chambéry et de la vallée de l’Isère, les Monterminod, les Montmélian, les Cruet, les Arbins, les Saint-Jean-de-la-Porte, auxquels il ne manque guère que certains procédés de vinification pour les faire apprécier au loin.

La zone des vignes entoure la base de la montagne sur trois côtés, le levant, le midi et le couchant, mais seulement dans les vallées les plus profondes. Dès qu’on pénètre dans les vallées rapprochées de la grande chaîne des Alpes, elle ne réussit plus que dans les expositions du midi, protégées contre les vents du nord. La vigne s’étend sur une superficie de 14,000 hectares, dont la production, année moyenne, est de 50 hectolitres par hectare. On l’appelle vigne basse par opposition à la vigne haute, que l’on fait monter sur des érables et sur d’autres plantes, selon l’antique méthode décrite par Virgile. La vigne haute ou le hutin, comme l’appellent les gens du pays, encombre les cultures des plaines basses et des premiers plans inclinés de la vallée. Quand elle a jeté ses vigoureux sarmens, mariés aux branches de la plante qui la supporte, la plaine apparaît comme un vaste taillis de chênes découpés de rectangles de champs cultivés. Il faut que le sol ait une force de production extraordinaire pour porter à la fois les céréales, la vigne et ces forêts d’érables. L’opinion que ces divers produits ne se nuisent pas entre eux est assez répandue parmi les cultivateurs. On obtient encore des