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la direction des professeurs de l’école, donnèrent de magnifiques résultats pendant la période de l’occupation française. Le directeur Schreiber découvrit en 1806 un nouveau filon, et en souvenir de cette découverte il fit frapper avec le premier argent extrait une médaille portant d’un côté l’effigie de Napoléon, de l’autre celle du Mont-Blanc sous la figure d’un géant accroupi sur des montagnes. Propriétés nationales, ces deux mines revinrent naturellement à l’état sarde, qui les fit exploiter en régie jusqu’en 1855. Rentrées dans l’industrie privée, elles continuent à donner des produits abondans.


IV

Le groupe le plus important de la Savoie est celui des mines de fer spathique des Hurtières. Exploitées pendant toute la durée du moyen âge, objet de transactions, de compétitions, de procès et de luttes animées dans lesquelles apparaissent tour à tour le souverain, les seigneurs, les gens d’église et les paysans, toutes les conditions de la société allobrogique, elles sollicitent la curiosité, non-seulement au point de vue industriel, mais encore au point de vue de l’histoire et des mœurs du pays. On y arrive par l’étroite vallée de l’Arc, où la rivière de ce nom, la route d’Italie et le chemin de fer Victor-Emmanuel se pressent et occupent souvent toute la partie en plaine. Au-delà d’Aiguebelle, elle tourne brusquement du nord au sud et s’arrondit en un bassin ovale, semblable à une grande corbeille de verdure, terminé au pont d’Argentine par les premières assises de la noble montagne : noble en effet, si cette expression doit réveiller l’idée de richesse et de force productive, car elle livre royalement depuis cinq siècles le fruit de ses entrailles à l’industrie métallurgique. Ses larges flancs sont emprisonnés dans une ceinture de végétation vigoureuse, de noyers, de châtaigniers, de chênes et de hêtres. Sur ce fond vert se détachent les toits enfumés des chaumières de la commune de Saint-George-des-Hurtières, isolées ou réunies en hameaux, partout bloquées par des massifs d’arbres fruitiers supportant des ceps de vigne séculaires qui courent de l’un à l’autre et interceptent la circulation de l’air et les rayons du soleil. Ces chaumières sont la demeure préférée du crétinisme. Le crétin apparaît ordinairement au milieu des merveilles du règne végétal. Rien n’est plus saisissant que le contraste de cette pauvre ébauche humaine, manquée au moralet au physique, avec la plénitude de vie et la beauté des formes que déploie la nature dans les plantes. Hâtons-nous de faire l’ascension de la montagne pour sortir de la région crétineuse, car le fléau mystérieux diminue d’intensité au fur et à mesure qu’on gagne la hauteur.