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celle qui se montre à l’exposition, du tungstate de soude, lequel, mêlé à l’empois, empêche le linge d’être inflammable, et ainsi préviendrait, si les blanchisseuses en prenaient l’initiative, ou si la plus belle moitié du genre humain l’exigeait d’elles, les cruels accidens qui ont mis le deuil dans tant de familles depuis quelques années. Gay-Lussac, qui a fait tant de découvertes pratiques en même temps qu’il contribuait tant à l’avancement de la science pure, avait conseillé déjà le phosphate d’ammoniaque. Il s’agissait alors plutôt d’écarter les chances d’incendie dans les théâtres » en rendant les décorations peu ou point inflammables ; les toilettes d’alors se prêtaient moins que celles d’aujourd’hui à ces horribles brûlures. Le tungstate de soude est-il bien supérieur au phosphate d’ammoniaque ? En tout cas, contre un pareil danger, mieux vaut avoir deux ingrédiens qu’un seul. Au surplus, on a même trois procédés ; le troisième consiste dans le rideau en toile métallique que M. Delacour a imaginé d’adapter aux cheminées, et qui est en vogue à Paris ; le mieux serait de combiner l’usage du rideau Delacour avec celui des jupons à l’épreuve de la flamme.

C’est également depuis peu d’années qu’on a découvert non pas l’existence, mais l’utilité d’une substance qui jusqu’alors restait intacte dans son flacon sur les rayons des laboratoires, attendant, comme bien d’autres, que l’homme en l’expérimentant eût trouvé le moyen de l’adapter au soin de son bien-être ou aux besoins de sa puissance productive. Je veux parler du sulfure de carbone. Il sert aujourd’hui à extraire la graisse de résidus jusque-là sans valeur. On lui a trouvé depuis peu un usage digne de fixer l’attention publique celui de la conservation des grains. M. Doyère a imaginé un système de silos fondé sur le pouvoir qu’a le sulfure de carbone de tuer presque instantanément le charançon et les autres insectes acharnés après le blé. Ce sont des vases en tôle hermétiquement clos. Nos administrations publiques commencent à employer le silo de M. Doyère. Le sulfure de carbone peut aussi garantir des mites les matières premières et les tissus auxquels s’attachent ces insectes. Une circonstance curieuse relativement à cette substance ; c’est le bas prix auquel on est parvenu à la produire du moment qu’on en a eu besoin dans de grandes proportions. Il n’y a pas longtemps qu’on payait le sulfure de carbone jusqu’à 200 francs le kilogramme ; aujourd’hui c’est moins d’un franc. Un chimiste français, M. Deiss, qui a organisé cette fabrication dans plusieurs états de l’Europe, vend aujourd’hui, selon M. Balard, le sulfure non rectifié sur le pied de 48 centimes.

Les chimistes étudient également le moyen de produire à bon marché quelques-uns des sels à base d’ammoniaque, substance puissante pour féconder le sol, et particulièrement le carbonate. Ils touchent