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productif, soit près de 200,000 hectares, dont les deux cinquièmes sont plantés d’essences résineuses, et les trois autres cinquièmes d’essences feuillues, dures ou tendres. Placées maintenant sous une administration plus forte et moins tolérante que l’ancienne, les forêts n’ont pas tardé à être protégées avec une sévérité que l’esprit d’émulation avec le régime passé a encore aggravée. Les baux des communes ont été rompus bu résiliés, et toutes les parties du domaine communal qui avaient été affermées sont déjà rentrées sous l’action réparatrice du pouvoir public ; la vaine pâture, les vols, les gaspillages, sont partout réprimés, et par les nouvelles méthodes de reboisement les éclaircies de la forêt se repeuplent et de nouveaux espaces sont reconquis. Ces mesures ont heurté bien des habitudes invétérées et causé bien des froissemens ; mais tout le monde est d’accord sur ce point, à savoir que la fortune forestière de la Savoie doit être protégée efficacement.

L’industrie métallurgique peut apprécier déjà les effets bienfaisans du nouveau régime forestier. Le prix du charbon n’a pas haussé, quoique l’administration française accorde plus difficilement les adjudications et demande plus de garanties que l’administration sarcle. Aux fonderies de la Maurienne, il varie de 5 à 6 francs les 130 kilogrammes de charbon dur et de 3 francs 50 cent, à 4 francs le charbon tendre. Ces prix n’ont rien d’exagéré, et ils pourraient baisser encore, si les exploitations des Hurtières étaient centralisées par une compagnie unique.

Quelque grandes que soient les forces productives du sol et les richesses minérales du sous-sol qui ont passé sous les yeux du lecteur, elles seraient frappées de stérilité sans les ressources plus précieuses de l’esprit des habitans, sans l’activité, l’intelligence et l’initiative agricole et industrielle. Ces élémens ne font pas défaut parmi les populations de la Savoie ; mais celles-ci ont encore bien des efforts à s’imposer pour répondre aux exigences économiques de leur nouvelle position. Par son annexion à la France, la Savoie s’est ouvert un champ plus étendu d’activité ; mais elle s’est jetée dans une mêlée d’intérêts beaucoup plus vive et plus ardente que celle où elle se débattait auparavant. Elle n’avait à lutter que contre un peuple encore nouveau dans le champ de la production, plein d’ardeur et d’espérance, il est vrai, mais travaillant mollement, et d’une activité quelque peu ralentie par l’antique far-niente italien. Les Alpes, du reste, marquant deux régions industrielles et agricoles bien distinctes par les produits du sol et de l’industrie, l’échange s’établissait sans peine et avec avantage des deux côtés. Aujourd’hui les conditions sont changées ; la Savoie est unie à un peuple actif, déjà vieux dans le travail, de cinquante ans en avance sur le peuple italien, et venant