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forces de la nature le principal effort, et celle-là, l’économie politique l’accepte et la conseille. Veut-on, au nom du châtiment primitif, nous interdire cette espérance ? Mais qui a reçu le droit de limiter ainsi les bienfaits de la Providence ? Il y a loin de cet affranchissement du travail par le travail à la barbarie de l’esclavage et à tous les autres moyens d’échapper au travail par la violence ou par la ruse, il y a toute la distance qui sépare le bien du mal. La religion elle-même ne peut qu’applaudir à ces découvertes, car plus l’homme se délivre du travail qui le courbe vers la terre, plus il peut cultiver son âme immortelle, plus il relève la tête vers le ciel.

De même je comprends qu’un philosophe chrétien invoque la loi du renoncement pour expliquer la nécessité de l’épargne. L’épargne est, comme le travail, un sacrifice, et il est bien digne de réflexion que l’homme ne puisse augmenter sa richesse dans l’avenir sans s’imposer une privation dans le présent ; mais cette nécessité démontrée et expliquée, c’est rabaisser l’idée sublime du renoncement que d’en faire le mobile de la formation du capital. La privation passagère qui constitue l’épargne a une origine moins haute : elle découle du désir d’assurer et d’augmenter son bien-être, désir légitime et conforme à l’ordre. À ceux qui peuvent contester la nécessité de l’épargne, la religion répond d’abord par la loi du renoncement ; l’économie politique répond ensuite par un calcul intéressé. Les deux thèses s’appuient l’une sur l’autre, elles ne se confondent pas. Cette préoccupation exclusive de l’esprit de renoncement donné au livré entier de M. Périn un air de contradiction et d’inconséquence. On ne peut s’empêcher de sourire en voyant la peine qu’il se donne pour faire sortir la richesse du mépris même des richesses. Nous demander de renoncer à tout et toujours, et nous promettre tous les biens de ce monde en échange de cette abnégation, c’est prêter un peu à la moquerie. Avec l’esprit de renoncement poussé à l’excès, tous les livres d’économie politique deviendraient inutiles ; Aussi, après avoir bien foudroyé le matérialisme, M. Périn est-il obligé de revenir à cette conclusion, qui tranche avec ses prémisses : « C’est sagesse vraiment chrétienne de travailler à mettre les sociétés dans les conditions où, suivant les expressions de M. de Maistre, le plus grand bonheur possible sera le partage du plus grand nombre d’hommes. possible. »

Voilà encore un assez beau but, quoiqu’il soit tout terrestre, et il serait pénible d’y renoncer, pour se servir de l’expression favorite de M. Périn. Une fois entré dans cette voie, qui est la vraie pour un économiste, il démontre éloquemment tout ce qu’a fait l’esprit chrétien pour le développement de la richesse. Il trace des derniers temps de l’empire romain un tableau juste et sévère ; le monde