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et son temps, en usant sa santé, son intelligence et ses forces, en se préparant une vieillesse misérable et prématurée. Que l’administration exerce sur les cabarets une surveillance sévère, et que la loi punisse au besoin les excès qui s’y commettent. Que la religion vienne enfin donner une sanction à ces leçons pratiques en rappelant a l’ouvrier ses devoirs envers lui-même, envers sa famille et envers. Dieu.

Les riches, ou ceux qu’on appelle ainsi, peuvent bien peu matériellement pour l’amélioration du sort des classes ouvrières. En admettant que les classes un peu aisées forment le dixième de la population, ceux qu’on peut appeler riches eh forment à peine le centième, et comme ils dépensent déjà tous leurs revenus en salaires, ils ne peuvent que changer la nature de leurs dépenses. Remplacer par des travaux utiles, qui augmentent le capital national, les prodigalités de tout genre qui le diminuent, voilà le moyen le plus efficace dont ils disposent. Moralement ils peuvent beaucoup plus. C’est à eux de donner aux autres classes le plus grand des enseignemens, celui de l’exemple. Là où les riches donnent l’exemple de mœurs régulières et honnêtes, les vices repoussés au sommet pénètrent difficilement dans les couches inférieures. Là au contraire où règnent le luxe et la corruption des grands, les petits imitent ce qu’ils voient, et la société tout entière se démoralise. Ici encore, s’il appartient à l’économie politique de montrer les funestes effets du luxe sur la richesse publique et privée, il appartient à la religion d’élever la voix pour rappeler aux riches qu’ils ont charge d’âmes.

Je n’ai qu’une réserve à faire sur cette partie du livre de M. Périn. Suivant moi, il force un peu le tableau de la misère moderne, comme tous les écrivains de son école. La comparaison avec le passé est, quoi qu’on en dise, tout à l’avantage de notre temps. Un économiste d’un chaleureux talent et d’une grande sincérité, M. Modeste, dans un livre sur le Paupérisme, couronné par l’Académie des sciences morales et politiques, a soutenu résolument cette opinion que le paupérisme est un mal qui s’en va. Sans aller tout à fait aussi loin, on peut affirmer qu’à prendre les choses dans leur ensemble, la misère diminue Le travail est plus productif et par conséquent le salaire plus élevé ; tous les objets nécessaires à la vie se multiplient avec plus d’abondance ; les famines périodiques qui emportaient des populations entières s’éloignent et s’atténuent, et si elles sont remplacées jusqu’à un certain point par les crises commerciales et industrielles, ces crises ont un autre caractère : elles tiennent en général à l’excès momentané, non au déficit de la production, et par conséquent elles entraînent moins de souffrances.

Ce grand développement matériel dérive de causes morales. Je