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l’autre. Il y a eu la division du travail au sein de la même fabrique et la division du travail entre les fabriques, chacune se renfermant dans un nombre restreint de produits, ou ne faisant qu’une partie d’une œuvre totale.

La tendance qui porte les chefs d’industrie à se diviser le travail entre eux est assurément très prononcée aujourd’hui ; cependant la tendance opposée se révèle quelquefois avec une grande énergie, et donne naissance à des fabriques où toutes les opérations sont réunies, et où l’on prend la matière première absolument brute pour ne la quitter que lorsque le produit est en état d’être livré au consommateur. Elle est favorisée par l’économie qu’on espère réaliser sur les frais généraux, et par l’espoir d’être mieux servi selon ses désirs en se servant soi-même. Elle est aidée par la perfection de la comptabilité commerciale, perfection telle qu’on peut sans effort analyser une fabrication même fort compliquée, et se rendre compte minutieusement de chacune des parties.

Dans les deux systèmes de division, c’est un fait remarquable qu’aujourd’hui les dimensions des manufactures se sont beaucoup amplifiées. On le remarque depuis assez longtemps pour les établissemens où l’on fabrique le fer et où l’on élabore les autres métaux, de même dans ceux qui ont pour objet la fabrication des tissus. Un ou deux exemples suffiront pour donner une idée des proportions qu’ont prises les manufactures. Dans l’industrie de la filature du coton, il est commun aujourd’hui de voir des établissemens de 25, 30, 40 et 50,000 broches. Le point de départ de cette industrie, c’est pourtant la fileuse à la main, qui produit moins qu’une broche. Dans l’industrie des toiles peintes ou imprimées, je pourrais nommer telle fabrique de Manchester ou de Glasgow d’où il sort annuellement une longueur d’étoffe suffisante pour embrasser la majeure partie de la circonférence du globe terrestre (40 millions de mètres). Les principales maisons de ces deux industrieuses cités sont, en effet, montées de manière à produire un million de pièces de 23 mètres chacune, soit 23 millions de mètres. La maison Black et Co, de Glasgow, est même allée jusqu’à 28. En France, la maison Dollfus, Mieg et Co, de Mulhouse, atteint 10 millions de mètres dont la valeur moyenne est supérieure ; de plus, à la différence des maisons de Manchester et de Glasgow, qui se bornent à imprimer, cette grande maison file, tisse et imprime.

En fait d’établissemens dont toutes les parties d’une fabrication sont concentrées, mais dans l’intérieur desquelles la division du travail n’en est pas moins poussée aussi loin que l’esprit peut le concevoir, je citerai la fabrique de Saltaire, près de Bradford, importante ville du Yorkshire, qui, sa banlieue comprise, produit des tissus mélangés laine et coton pour 500 millions de francs, à ce qu’on