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l’effort musculaire de l’homme, ou de régler par des outils bien conçus et bien construits l’action incertaine de ses doigts, a donné naissance, dans les derniers temps, à une multitude d’appareils secondaires, ingénieux dans leurs dispositions, qui économisent beaucoup la main-d’œuvre en augmentant la quantité et la bonne confection des produits. C’est ainsi qu’un grand nombre de métiers mécaniques à tisser, qui font une prodigieuse quantité de travail, et d’un travail uniforme, se voient dans l’annexe occidentale et y excitent l’étonnement du public. De même beaucoup d’appareils spéciaux placés dans la même salle et entretenus à l’état de mouvement, font l’étonnement des promeneurs. Celui-ci raie des registres, celui-là fabrique des sacs de papier qu’il livre tout collés ; un autre, et c’est une des plus jolies petites choses de l’exposition, plie le chocolat livre par livre, les deux plaques l’une sur l’autre, en se conformant bien aux biseaux que l’usage a consacrés pour les rebords de ces plaques, et lorsqu’une livre est ployée, il la transporte sur le tas en même temps qu’il en saisit une autre. Cette machine intelligente figure dans l’exposition de M. Devinck, de Paris. M. Devinck a le bon goût d’en attribuer tout le mérite à un contre-maître ancien dans sa maison, M. Armand Daupley.

Parmi ces machines, il en est quelques-unes qui semblent appelées à rendre quelque consistance à l’industrie domestique, tant ébranlée par le système manufacturier. La plus remarquable est la machine à coudre, qu’on a successivement perfectionnée de manière à travailler le cuir aussi bien que les tissus les plus fins, et à produire les diverses sortes de points. Par la modération de son prix (de 125 à 250 francs environ), la machine à coudre est à la portée d’un très grand nombre de ménages, et elle rendra de grands services dans les familles. Déjà aux États-Unis elle est acclimatée au coin du foyer domestique. La maison américaine Wheeler et Wilson, qui construit avec supériorité la machine à coudre, s’est outillée de manière à en faire cinquante mille par an. Il y en a de françaises d’anglaises et d’américaines. Un des quartiers de l’exposition en est rempli, et comme elles fonctionnent, ce n’est pas celui où les curieux se pressent le moins. Le nombre des personnes qui s’informent avec une curiosité extrême des résultats obtenus est considérable. Ces résultats peuvent se formuler ainsi : dans les industries où l’on opère sur des matières dures à percer, comme la sellerie, la mécanique a son plus grand triomphe ; une machine à coudre fait l’office de vingt-cinq hommes ; dans la couture ordinaire, elle fait l’ouvrage de dix ouvrières, et de cinq avec le point de surjet. La machine à coudre a sa place marquée dans les manufactures de confection d’babillement, pour le moins autant que dans les familles. On l’y observe en pleine activité et en plein succès.