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brables petites souverainetés, renfermait de plus dans son sein deux grandes monarchies rivales comme la Prusse et l’Autriche. L’unité allemande ainsi entendue paraît encore aujourd’hui le plus insoluble des problèmes, même en théorie. Toutefois, s’il est vrai que c’est précisément cet amas de petites souverainetés qui forme la grande plaie du corps germanique, on pouvait s’attendre d’autant plus à la destruction de ces bourgs pourris du particularisme que la plupart de ces princes parfaitement inutiles avaient été dans le temps gagnés, rehaussés, parfois même créés par l’ennemi étranger, par le tyran qu’on venait d’abattre. Rien en effet de plus contraire au progrès bien entendu de l’Allemagne que ces divers duchés, grands-duchés, etc., états dépourvus d’éclat et d’activité, offrant assez d’espace pour des intrigues de cour, pas assez cependant pour que le citoyen à l’âme haut placée et aux nobles instincts puisse y voir une arène digne de son zèle et de ses fatigues; organismes hybrides, impuissans pour créer le bien, assez puissans pour l’empêcher et pour opposer un veto déraisonnable à toute action fédérale. Aussi quelques hommes réfléchis semblaient depuis longtemps comprendre l’urgente nécessité de mettre fin à une situation si compliquée, et pendant la campagne de 1813 Stein et Hardenberg étaient même tombés d’accord avec le prince de Metternich sur un arrangement qui faisait de l’Allemagne deux grandes moitiés, dont l’une aurait été absorbée par la Prusse et l’autre par l’Autriche : le fleuve du Mein devait être la ligne de démarcation entre les deux états ainsi agrandis. Le chancelier de la cour et de l’empire changea bientôt cependant d’avis et s’arrêta à une combinaison qui, après une longue série de débats et d’intrigues, fut solennellement consacrée par l’acte fédéral du 8 juin 1815.

Ce qui frappe d’abord dans ce pacte mémorable, placé, comme de juste, sous l’invocation de la « très sainte et indivisible Trinité, » c’est le principe de division qu’il maintenait et semblait vouloir éterniser au sein de la grande patrie; c’est ensuite le culte superstitieux qu’il portait au droit divin des plus petits princes, — et cela au moment même où le droit populaire était passé sous silence ou laissé à la plus fantasque, la plus cauteleuse des interprétations. Les princes de Lichtenstein, de Reuss-Greitz, de Reuss-Schleitz, de Saxe-Meiningen, de Saxe-Altenbourg, de Hombourg-Lippe et de Lippe-Schauenbourg, y étaient déclarés souverains au même titre que le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche, régnant par la grâce de Dieu sur leurs sujets et leur mesurant selon leur convenance la liberté et le bonheur. Des droits exorbitans, entre autres l’exercice de la haute juridiction en matière civile et criminelle, furent stipulés pour un grand nombre des anciennes familles dites médiatisées. Un article spécial du pacte maintenait la maison des