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l’Europe, prendre déjà une position et une attitude que n’ont pu se faire toutes les Allemagnes malgré leur existence bien établie et universellement reconnue. Franchement je ne saurais m’étonner si les Allemands deviennent parfois amers à l’endroit des conseils qu’on leur adresse de ce côté du Rhin pour le maintien du statu quo, et dont le moindre inconvénient est de ne pas paraître parfaitement désintéressés; je ne m’étonne même pas s’ils croient entrevoir dans de telles exhortations plus de malice et, tranchons le mot, plus de perfidie qu’elles n’en cachent réellement. Ce n’est point, dans tous les cas, en tenant les yeux fixés uniquement sur les convenances que la constitution présente du corps germanique peut offrir à l’étranger qu’on parviendra à se rendre compte de la manière dont les libéraux et les patriotes d’outre-Rhin envisageaient dès 1815 et envisagent encore l’œuvre établie par l’acte fédéral de Vienne.

Si cependant la réorganisation de l’Allemagne après la chute de Napoléon avait cruellement déçu les patriotes dans leurs espérances unitaires, elle semblait d’abord leur offrir d’un autre côté une certaine compensation dans la grands dose d’autonomie même qu’elle accordait aux états individuels, et qui, bien employée, pouvait au moins profiter à la liberté, favoriser sur divers points le développement d’un régime constitutionnel. La perspective restait assez attrayante, et l’essai valait bien de persévérans efforts. On peut même dire que, de 1815 jusqu’à 1840, l’esprit national en Allemagne, — là où il n’était point complètement découragé et aspirait encore à la vie politique, — prit la direction indiquée, et, tournant les obstacles insurmontables qui avaient été opposés au courant unitaire, chercha à se creuser péniblement un fit à travers les libertés autonomiques. Certains petits états de la confédération étaient déjà trop avancés dans la voie du progrès moderne, avaient déjà trop longtemps vécu sous le régime du code français pour qu’on eut pu y abolir complètement quelques-unes des institutions représentatives et des réformes dans le sens des principes de 89 qui leur avaient été concédées dans le premier moment. Il était aussi dans l’intérêt de tel prince, jaloux de sa dignité ou de son indépendance et rendu ombrageux par le ton parfois trop hautain de M. de Metternich et de la diète fédérale, de chercher un appui moral dans ses populations, et d’établir avec elles un échange de bons procédés. De pareilles ententes ne furent cependant ni sans intermittences ni même sans catastrophes. Le roi Frédéric-Guillaume III de Prusse était dévoué de toute son âme aux idées de la sainte-alliance, et s’il n’était pas si prompt que le chancelier de la cour et de l’empire à dégainer à la moindre apparition de l’esprit moderne sur un point quelconque, il finissait cependant par se laisser ébranler. Fort alors d’un tel appui, M. de Metternich réclamait énergiquement par l’or-