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pas à s’établir entre les membres des diverses représentations de l’Allemagne : une feuille importante, le Journal allemand de Heidelberg, sous la direction significative de M. Gervinus, devint l’organe du grand parti national et constitutionnel. Pour être vague et peu défini, le programme de ce parti n’en exprimait pas moins le principe essentiel et caractéristique de la nouvelle agitation en Allemagne, et qui pourrait se résumer dans ces mots : l’unité par la liberté, la péréquation et la solidarisation des différens états du corps germanique par le développement homogène des institutions parlementaires. Quant à la réforme alors tant débattue du lien fédéral, les patriotes ne semblaient être que conséquens avec leur principe lorsqu’ils demandaient qu’un parlement populaire fût adjoint à la diète de Francfort, que le pouvoir central de l’Allemagne fût, aussi bien que tout trône dans chaque état individuel, étayé d’institutions représentatives. Du reste, ils étaient bien loin de se rendre un compte exact de leurs exigences en cette matière, peut-être même assez peu désireux d’être mis en demeure de les exécuter. Il importe de bien fixer le programme des libéraux allemands dans la courte période qui précède la révolution de février, car il cachait en germe et pour ainsi dire en substance l’expression définitive à laquelle devait arriver l’agitation unitaire après de longs erremens. A quoi tendaient en effet les libéraux groupés autour du Journal allemand de Heidelberg, qui allaient former bientôt le noyau le plus compacte et le plus intelligent du parlement de Francfort, et revivre après dans le parti de Gotha? Ils voulaient d’abord et avant tout pousser la Prusse de toute leur force dans la voie constitutionnelle, ce qui aurait assuré soit l’avènement, soit le maintien et le développement des institutions représentatives dans tout le reste de l’Allemagne. L’Autriche seule faisait obstacle, et il semblait impossible de l’entraîner pour le moment dans le concert des idées modernes : aussi les libéraux se résignaient-ils à passer outre et à laisser momentanément l’empire des Habsbourg en dehors de toute combinaison réformiste. Enfin, et en conséquence même de cette attitude prise forcément vis-à-vis de l’Autriche, ils faisaient des appels pressans et sincères à la maison de Hohenzollern, et l’adjuraient de se placer à la tête de tous les autres états de la confédération. Ainsi établissement et pratique sincère du régime constitutionnel en Prusse surtout, et par conséquent dans le reste de l’Allemagne, exclusion momentanée de l’Autriche, en dernier lieu effacement graduel et disparition des souverainetés secondaires devant l’hégémonie de la Prusse : tels étaient déjà, aux approches de 1848, les trois points cardinaux de l’agitation unitaire, quoique mal entrevus et encore moins avoués. Ils devaient ressortir plus claire-