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Et cependant l’embarras insurmontable que leur créait déjà la seule accession de l’Autriche aurait bien dû montrer aux législateurs de Francfort combien il importait de ne pas trop étendre les limites de l’empire qu’ils voulaient fonder et d’imposer un frein aux nobles ardeurs du germanisme. Il était aisé de prévoir dès l’origine que les possessions autrichiennes seraient l’écueil où devrait infailliblement échouer l’œuvre tentée à l’église de Saint-Paul. Ce n’était pas encore la plus grande des difficultés à vaincre, ni le plus impossible des miracles à opérer que de concilier les deux ambitions rivales et séculaires de l’Autriche et de la Prusse dans l’établissement d’une Allemagne unie et centralisée, car, à côté de cela et par-dessus tout, comment accorder avec une telle combinaison l’existence simultanée d’une monarchie, d’une puissance de premier ordre qui, outre ses provinces allemandes, embrassait tant de terres étrangères et en tirait sa force principale, régnait sur des populations diverses, hongroises, italiennes, slaves, roumaines, toutes hostiles entre elles, toutes d’accord cependant sur ce point : ne pas devenir allemandes? Ce n’est pas que le génie allemand voulût renoncer pour toujours à des contrées si riches et si fertiles, fût résolu à ne jamais tenter d’avoir raison des « récalcitrans » et de « civiliser » les barbares. À ce sujet, il ne regrettait que sa négligence coupable jusqu’à ce jour, et se jurait d’être plus ferme à l’avenir; mais procéder immédiatement à l’exécution, en un mot déclarer que tous les états composant l’empire des Habsbourg feraient désormais partie intégrante de la confédération nouvelle, c’eût été non-seulement introduire dans le corps germanique des élémens « non encore digérés, » faire du futur parlement national une Babel confuse aux mille langues, c’eût été de plus prendre sur son compte les guerres que les Habsbourg soutenaient à ce moment même en Italie et en Hongrie, — et le courage manqua devant une perspective pareille.

Il était impossible de faire entrer l’ensemble de l’Autriche dans le Bund régénéré; il était également impossible de la démembrer et d’en détacher les provinces purement allemandes, — quoique cette folle pensée eût hanté quelque temps les esprits à Saint-Paul et reçu son expression dans l’article premier du projet de constitution. — Restait un troisième moyen, celui de constituer l’unité allemande en dehors de l’empire autrichien. Nous avons déjà dit que les patriotes libéraux, dans les projets qu’ils méditaient avant la révolution de février pour la réforme fédérale, faisaient abstraction presque complète de l’Autriche, — par désespoir plutôt que par un esprit de résignation véritable, par impuissance plutôt que par modération, par l’impossibilité où l’on se voyait de faire participer les états que gouvernait M. de Metternich au développement des idées