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qu’elle représentait malgré tout, et parce que le sol si accidenté, si bouleversé et volcanique de l’Autriche offrait aux meneurs révolutionnaires des théâtres de guerre bien autrement favorables que les plaines sablonneuses du Brandebourg. Ce parti de la grande Allemagne, que l’Autriche n’a cessé d’entretenir, et qui fait encore de nos jours parler de lui de temps en temps, est à coup sûr la coalition la plus bizarre des élémens les plus hétérogènes du monde. Sous le masque d’un patriotisme incapable de la moindre des concessions, il abrite dans son sein les démocrates et les ultramontains, les particularistes honteux et les teutomanes à outrance. Si l’Autriche est habile dans l’opposition qu’elle suscite à la Prusse et aux vrais patriotes de l’Allemagne, il est juste de dire qu’elle n’est pas non plus trop scrupuleuse dans le choix de ses moyens : elle donne des espérances aux absolutistes, caresse les républicains, et parle surtout haut dans l’affaire du Slesvig, l’idée fixe des Allemands de tous les partis; elle parle d’autant plus haut qu’elle est parfaitement sûre de faire peser, le cas échéant, tout le fardeau de la guerre sur la Prusse.

Malgré les clameurs bruyantes du parti de la grande Allemagne, malgré les lamentations des frères autrichiens, les intrigues des ultramontains et absolutistes, les cris forcenés des démocrates, il fallut cependant se décider enfin à la « coupe césarienne » et reculer jusqu’au programme vaguement conçu avant 1848. Un député catholique, M. de Lasaulx, avait beau formuler la proposition ironique que, « considérant qu’il ne convient pas à des hommes sages de suivre le chemin des fous, l’assemblée nationale engage le ministère à préparer l’unité de la patrie de concert avec toutes les souverainetés de l’Allemagne, et particulièrement avec la première de toutes, avec la monarchie autrichienne; » le cabinet de Vienne lui-même ne semblait entrevoir d’autre issue à toutes ces complications. Dans une de ces notes hautaines (27 novembre) dont il possédait le secret et où les concessions même prenaient le ton de la menace, le prince de Schwarzenberg venait de déclarer au parlement de Francfort que « la ferme durée de la monarchie autrichienne avec la complète unité des états qu’elle embrasse était un impérieux besoin et pour l’Allemagne et pour l’Europe. Quant aux rapports à établir entre l’Autriche et l’Allemagne nouvelle, on ne pourra s’en occuper, continuait la note, que lorsqu’elles auront accompli toutes les deux leur travail de rajeunissement et se seront donné de solides institutions. » Les meneurs du parti national à l’église de Saint-Paul se saisirent de la distinction que M. de Schwarzenberg paraissait ainsi établir entre l’empire des Habsbourg et « l’Allemagne nouvelle, » et posèrent résolument la question d’établir cette dernière en dehors de l’Autriche. Il est curieux de noter l’argument principal dont on