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finit par proroger les chambres. Il n’apaisa point par cela les haines et ne put jamais faire oublier à la nation la date néfaste de 1850. « La bataille de Bronzell » et les ponctuations d’Olmütz sont encore aujourd’hui les souvenirs les plus douloureux, les plaies toujours béantes du pays, et ont créé contre Vienne des ressentimens que rien encore n’est venu affaiblir. Plus diligemment étudiée et mieux appréciée surtout, cette disposition des esprits en Prusse et dans toute l’Allemagne libérale à l’égard de l’Autriche aurait peut-être réduit de beaucoup les appréhensions du côté du Rhin pendant la guerre d’Italie, aurait peut-être empêché Villafranca et délivré Venise.

Bientôt (23 décembre), et conformément aux stipulations du mois précédent, s’ouvrit à Dresde un congrès qui devait régler définitivement l’état si ébranlé et si anormal de la confédération germanique. Les préliminaires d’Olmütz, l’abandon implicite de l’idée de l’union restreinte, semblaient mener plus ou moins directement au rétablissement pur et simple de l’ancienne diète de Francfort, et certes un tel dénoûment aurait été assez mortifiant déjà pour la Prusse, qui depuis trois ans n’avait cessé de protester contre toute idée d’une restauration pareille. Qui cependant aurait cru que le moment viendrait où le cabinet de Berlin se réfugierait sous l’égide de ce Bund restauré, et qu’il invoquerait comme son dernier salut ce qui, même après Olmütz, ne lui apparaissait encore que comme la plus triste et la plus dure des nécessités? C’est pourtant là que le prince Schwarzenberg devait amener la Prusse pendant les conférences de Dresde. C’est alors que le ministre de Vienne dévoila enfin son projet novateur, qu’il avait déjà fait briller un moment et à la dernière heure devant les législateurs de Saint-Paul. En un mot, l’Autriche voulait introduire dans le corps germanique toutes celles de ses provinces qui jusqu’alors n’en avaient point fait partie; elle voulait tripler le chiffre des populations qu’elle apportait à l’Allemagne ! On comprendra le prix infini que le prince Schwarzenberg attachait à une pareille combinaison : elle assurait à l’empereur un pouvoir immense et presque exclusif dans la confédération germanique, rendait cette dernière solidaire de tous les intérêts des Habsbourg dans toutes les complications possibles de l’avenir; ce projet adopté dans le temps, la dernière guerre d’Italie aurait reçu un bien autre caractère, si même elle eût été jamais entreprise! Mais on comprendra aussi aisément la stupeur de la Prusse et de toute l’Allemagne libérale à la pensée seule d’une semblable tentative. Devant ce « cauchemar viennois, » comme on l’appelait alors, devant ces exigences exorbitantes et vraiment monstrueuses de l’Autriche, le gouvernement de Berlin se fit un rempart de l’ancienne diète fédérale, de cette constitution du corps germanique de 1815