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rois et princes, tous venaient tour à tour, itérativement, prendre le mot d’ordre à Varsovie, où les attendait d’ordinaire le grand pontife de la cause monarchique. Quelques jours avant Olmütz, était venu l’y trouver le comte de Brandebourg, frère du roi de Prusse et chef nominal du ministère. Désolé de l’accueil froid et décourageant qu’on lui fit, le comte ne put supporter une telle douleur, et mourut peu après son retour. On raconte que lorsque Bakounine, livré par les Saxons après l’insurrection de Dresde, fut conduit, chargé de chaînes, à Pétersbourg, les courtisans, qui croyaient être agréables en déclamant contre l’affreux démagogue, furent subitement arrêtés dans leurs épanchemens par cette boutade du tsar : « Bah ! dit-il, il n’est pas si fâcheux que les Allemands aient eu besoin d’un Russe, même pour élever des barricades! » A plus forte raison crut-il qu’ils avaient maintenant besoin d’un Russe, de lui-même, pour élever des barrières. Il n’épargna donc ni conseils, ni instructions et réprimandes, et s’exalta dans un orgueil qui ne manqua point de lui devenir fatal à son tour. Les événemens ont plus d’enchaînement et de logique qu’on ne serait parfois tenté de leur en supposer : c’est dans la position exorbitante que lui avaient faite les ébranlemens de l’Allemagne et de l’Europe que l’empereur Nicolas trouva plus tard la tentation et le courage d’entreprendre la guerre d’Orient.

Après trois ans de convulsions, rien n’était donc changé en Allemagne, il n’y avait qu’un état de moins dans la confédération. Le 23 août 1851, le roi Frédéric-Guillaume IV, dans une cérémonie d’hommage et à la « manière allemande, » comme il le disait dans son discours, ajoutait cet état à la Prusse. Il prenait officiellement possession de la principauté de Hohenzollern-Hechingen-Sigmaringen, membre de la confédération jusqu’alors indépendant, mais qui, par un accord amiable avec son souverain, devenait la propriété de la dynastie prussienne. Encore le roi choisissait-il à dessein cette occasion pour « lever sa main au ciel » et pour affirmer solennellement qu’il n’avait jamais convoité de pays qui ne lui appartînt pas, et qu’il ne le ferait jamais! Cette annexion fut la seule dont s’enrichit la Prusse à la suite de l’agitation de 1848; ce fut aussi la seule modification que subit la constitution fédérale de 1815. Tout était rentré dans l’ordre pour le moment; mais huit ans s’étaient à peine écoulés que l’idée unitaire se réveillait plus forte que jamais en présence du mouvement italien et de la guerre d’Italie. Alors l’Allemagne vit commencer cette période nouvelle d’agitation qu’il reste à décrire, et qui devait aboutir aux difficultés actuelles de la Prusse.


JULIAN KLACZKO.