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L’enseignement primaire, convenablement élargi, n’est pas la seule branche de l’instruction publique qui intéresse directement l’industrie ; l’enseignement des beaux-arts lui importe beaucoup aussi. La nécessité de répandre l’enseignement des beaux-arts parmi les populations ouvrières est certainement indiquée par l’intérêt général de la civilisation française car y a-t-il une véritable civilisation là où manque le sentiment du beau ? Mais en se restreignant, comme il convient ici, à ce qui est d’utilité industrielle, il est indispensable que les ouvriers d’une partie au moins des manufactures soient initiés aux arts de la forme, du dessin et de la couleur par un enseignement approprié. C’est obligatoire en France, parce qu’une bonne partie de nos succès industriels tient à la supériorité du goût français. Il y a quatre cents ans, qu’étions-nous nous-mêmes en fait de goût dans la plupart des beaux-arts ? Ce que Voltaire appelait des Welches, Les Italiens avaient la palme, La roue de la fortune a tourné, l’Italie ne compte plus dans les beaux-arts, la musique exceptée, si ce n’est par son passé, et le premier rang nous est échu, ou pour mieux dire nous l’avons conquis à la sueur de notre front. N’y a-t-il point dans ce revirement une leçon au sujet du sort qui nous serait réservé à nous-mêmes, si nous cessions de faire d’énergiques efforts ?

Les juges les plus compétens remarquent, dans les applications de l’art à l’industrie chez nous, des symptômes de décadence : c’est ce qui a été très bien dit et fortement motivé par M. Mérimée dans son rapport sur les articles d’ameublement. Les observations de M. Badin dans son rapport sur les tapis sont dans le même sens. Or, tandis que nous sommes stationnaires, d’autres s’élèvent. Le mouvement ascendant se remarque surtout chez les Anglais. Tout le monde a été frappé du progrès qu’ils ont fait depuis la dernière exposition dans le dessin et la distribution des couleurs pour les étoffes, ainsi que dans la ciselure et la sculpture pour les meubles. Jusque-là, il faut le dire, ils étaient plutôt renommés pour leur mauvais goût ; mais ils ont compris que c’était affaire d’éducation. Ils ont donc institué avec beaucoup d’intelligence, et avec cette persévérance qui leur est habituelle, l’enseignement des beaux-arts en vue de l’avancement de leur industrie. Tout le monde y a concouru : l’état par la branche d’administration publique qui porte le nom de department of science and art, les localités directement intéressées par des votes annuels de fonds, les associations et les particuliers par des souscriptions. On a puisé aussi largement dans le reliquat considérable qu’avait laissé l’exposition de 1851. Le principal résultat