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aussi durement qu’avait fait le seigneur. Les populations, sentant toujours le même bât, si ce n’est le même cavalier, crurent bien faire en plus d’un endroit d’appeler les officiers royaux. Faute d’une âme, laquelle était plus apparente, plus affichée ailleurs, ces personnages nommés communes furent les premiers à fondre et à disparaître sous l’ascendant de la royauté. Elles étaient venues à rien qu’il restait encore des privilèges à la noblesse, aux parlemens quelque chose de législatif, à l’église ses assemblées et ses dons gratuits. Vous jugez bien de ce qu’étaient devenues les communes en face des intendans créés par Richelieu, dressés par Colbert et traités de monseigneur par la noblesse. Toutefois le déclin des communes remonte plus haut et s’accuse dès le XIVe siècle, selon le témoignage de M. Guizot. Est-ce parmi ces ruines, bien anciennes déjà, que nous retrouverons quelques semences de vitalité collective bonnes à restaurer aujourd’hui? Cela n’est guère croyable.

Peut-être pensez-vous que les communes avaient en elles une valeur et un secret de bien public qui périt injustement sous l’ancien régime? Mais s’il en était ainsi, ce qui a détruit l’ancien régime eût relevé les communes; cette destruction et cette restauration se fussent accomplies du même coup en 89. Or à cette date de la nation naissante je trouve au contraire une loi curieuse où l’on aperçoit le début et même un détail assez explicite de cette tutelle administrative qui s’épanouit plus tard avec toute la richesse des créations impériales : c’est la loi du 14 décembre 89. Cette date est à remarquer, qui n’est pas encore celle des catastrophes, des excès de doctrines, des grandes perversions de l’esprit public. La France traversait alors la meilleure époque de la plus grande assemblée qui nous ait jamais représentés. Eh bien! cette loi, ainsi datée et autorisée, le prend de très haut avec les communes; elle leur dit : « Vous ne plaiderez pas, ’us n’emprunterez pas, vous ne vous imposerez pas, vous ne vendrez pas vos biens, vous n’entreprendrez pas de travaux, vous ne ferez pas acte de police, vous ne réglerez pas vos comptes sans une autorisation supérieure. » C’est déjà une tutelle des communes assez étroite, et par des motifs qui en promettaient peut-être encore plus; le législateur s’en est expliqué lui-même dans l’instruction annexée à cette loi. « La constitution, dit-il, soumet les communes à la surveillance et à l’inspection des corps administratifs parce qu’il importe à la grande communauté nationale que toutes les communes particulières, qui en sont les élémens, soient bien administrées, qu’aucun dépositaire de pouvoirs n’abuse de ce dépôt, et que tous les particuliers qui se prétendront lésés par l’administration municipale puissent obtenir le redressement des griefs dont ils se plaindront. » Voilà ce qu’on fit des communes en 89, quasi rien, et cela dans la saison du progrès, des redressemens, quand on retrouvait la nation,