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ainsi investies par l’état, on les astreignit à verser au trésor un cautionnement. Le désir de procurer à l’état la ressource des fonds de cautionnement ne fut pas étranger à la création du monopole. le trésor était extrêmement pauvre alors, et il fallut tout l’esprit d’économie et toute la force de volonté du premier consul pour subvenir avec aussi peu à toutes les charges de l’état. Les quelques millions que fournirent les cautionnemens furent une bonne fortune, dont l’origine cependant était regrettable à titre de précédent. Ainsi était ressuscité, en partie par le même motif qui y avait fait recourir jadis, mais fort heureusement sur une petite échelle, le système des offices, dont il avait été tant usé et abusé sous Louis XIV. Après les désastres de 1815, les fauteurs de la contre-révolution crurent l’occasion favorable pour le rétablissement de la vénalité des offices, qui était pourtant un des traits les plus offensifs de l’ancien régime. En 1816, le ministre des finances eut la faiblesse de consentir à ce retour au passé pour les professions investies du monopole en 1801 ; on leur imposa, comme en 1801, un modeste sacrifice, une augmentation de cautionnement. Depuis 1816, le commerce s’est beaucoup développé en France. L’obligation de se servir d’intermédiaires déterminés et en très petit nombre, comme sont les courtiers, est devenue une gêne que ne justifie aucune raison d’intérêt public. Le privilège des courtiers n’a aucune utilité et n’offre que des inconvéniens, car le courtier n’est pas garant, comme on l’est dans tels autres offices. Les commerçans ayant été amenés par la force des choses à confier leurs opérations, dans divers cas, à d’autres intermédiaires que les courtiers, ceux-ci, prenant l’offensive avec une grande témérité, sur le ton de gens qui régneraient de droit divin, ont fait des procès aux représentans que le commerce avait cru devoir employer. La question est devenue irritante et appelle une solution. Il semble impossible qu’elle soit autre que la suppression du monopole des courtiers, qui est un anachronisme.

On peut considérer comme une émanation du système ultra-réglementaire la législation sur les brevets d’invention. Née d’un bon sentiment, car elle était destinée à protéger ce qu’on supposait être le droit de l’intelligence, cette législation est aujourd’hui dommageable pour l’industrie, et, dans la plupart des cas peu nombreux où les brevets ont donné un revenu important, les profits ont été pour les frelons de la ruche, et non pas pour les industrieuses abeilles : des intermédiaires substitués aux véritables inventeurs ont tout absorbé.

Les abus de la législation des brevets d’invention sont multipliés, et dans plus d’un cas révoltans. Ainsi elle peut entraver notre commerce d’exportation et priver l’industrie nationale de débouchés utiles. C’est ce qui arrivera presque nécessairement toutes les fois