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électoraux, à la question de savoir d’où viendra le pouvoir municipal. Ce qu’il sera, peu importe apparemment ; mais qui le nommera, cela est du plus grand intérêt. J’ouvre le Moniteur à cet endroit, et j’y trouve un débat qui dure sept grands jours. On voit bien qu’il s’agit de création. Les éloquences se donnent carrière, les amendemens se multiplient (il y en a plus de trente) pour cette œuvre, qui est d’instituer un pouvoir, ne fût-ce que le pouvoir municipal. Cette passion, pour le dire en passant, appartient à tout débat français sur le droit d’élection : c’est là-dessus que vivent et meurent les cabinets, quelquefois même les gouvernemens. Et ce sentiment n’est pas aveugle : l’origine des pouvoirs est ce qui leur donne le ton, ce qui fait leurs proportions et leur audace. Qui est électif avec des attributions médiocres en aura tut ou tard de considérables. Quand une source est abondante et large, ce qui en provient se fait des rives selon son volume par-delà les rives prévues et réglementaires. « Les conseils de la commune et du département, disait M. Vivien, sont élus par les citoyens, grande et puissante garantie qui est comme le couronnement du système. L’élection en effet vivifie les pouvoirs dont elle est la source : elle accroît leurs forces, élargit leurs attributions… »

Quant aux lois qui ne font que définir les pouvoirs (les lois d’attributions, comme on dit), l’insouciance et l’inattention, voilà tout ce qu’elles obtiennent, au moins dans la matière qui nous occupe. Et cependant tout ce qui nous choque si profondément dans la tutelle administrative, ce luxe oriental d’intrusions et d’enlacemens, se rencontre dans ces lois, tantôt proclamé, tantôt impliqué. C’est là qu’une commune est mineure et nullement émancipée, qu’elle ne peut entamer le moindre procès ni conclure le moindre bail, livrée à ses seules lumières. Longue est la liste de ses dépenses obligatoires, c’est-à-dire des choses qu’elle est tenue de faire, plus longue encore celle des choses qu’elle ne peut faire que sous l’autorité ou sous la surveillance de l’administration supérieure. Notez ces deux points-ci ; il n’est rien qu’ils n’atteignent. En droit, ils embrassent toute la gestion municipale d’un bout à l’autre, — non-seulement tous les travaux à entreprendre, mais toutes les dépenses à ordonnancer. Échappez donc à des prévisions de cette force qui sont en toutes lettres dans la loi ! Pour ma part, je trouve le ministre et le préfet bien larges, bien magnanimes, qui, munis d’une pareille loi, laissent un maire exécuter de sa pleine science et autorité un paiement de 5 francs. En vérité, ils n’usent pas de tout leur pouvoir, ils montrent là une confiance que n’a pas eue le législateur. Les optimistes feront peut-être ici une réflexion consolante, c’est qu’en France les gouvernemens sont arbitraires plutôt que tyranniques, et mettent eux-mêmes à leur puissance les bornes oubliées par la loi.