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ticité des ressorts. Comme elle a été construite sous tous les régimes, chacun y ajoutant la pièce où il excellait, et dans des circonstances variées qui l’ont marquée chacune de son esprit, elle est prête à tout, capable de tout. Vous ne sauriez imaginer un cas qui la trouvât au dépourvu, c’est-à-dire sans quelque loi applicable, sans quelque précédent analogue et d’un bon service. Cela touche à la féerie. Parlez, que voulez-vous ? L’impôt progressif ? C’est la moindre des choses ; nous en avons déjà un certain germe. Voyez donc à Paris l’impôt mobilier ! Comme il monte plus vite dans ses tantièmes que les différentes catégories de loyers ! Et cet impôt des patentes, qui normalement est le vingtième du loyer, qui exceptionnellement est le quinzième pour certaines industries supérieures, banquiers, agens de change, armateurs, etc. ! Et l’impôt des portes et fenêtres, quand il taxe d’un franc une ouverture et de huit francs cinq ouvertures ! Vous avez bien là cette proportion croissante par où l’impôt progressif se distingue du proportionnel. Je ne m’excuse pas de ces détails, indispensables qu’ils sont pour donner une idée de la chose, laquelle au surplus est renouvelée des anciens. Boekh vous dira, dans son Economie politique des Athéniens, que ce peuple spirituel s’était divisé, sous la main de Solon, en plusieurs classes, dont la première payait l’impôt sur tout son revenu, la seconde sur les cinq sixièmes de son revenu, la troisième sur les cinq neuvièmes seulement, etc.[1]. Il faut croire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil en fait d’impôts, excepté peut-être celui du timbre inventé en Hollande sur un concours proposé par l’état. — Mais continuons cette revue de nos facultés et de nos ressources administratives.

Auriez-vous quelque idée de mettre à mal ou à contribution le droit d’héritage ? Nous sommes déjà dans cette voie. Il y a trente ans, sous une certaine influence du saint-simonisme, l’impôt des successions collatérales a été fortement rehaussé. De 10 pour 100 qu’il est aujourd’hui, vous pourriez le porter à 20 ou à 30 sans exciter grande stupeur, sans avoir même à répondre aux héritiers mécontens par des citations de Montesquieu et de l’Ecclésiaste. « La loi naturelle, dit Montesquieu, ordonne aux pères de nourrir leurs enfans, mais elle n’oblige pas de les faire héritiers, » encore bien moins les neveux, je suppose.

Cette discussion, dis-je, serait superflue, car il suffirait ici de

  1. Voyez sur les patentes la loi du 25 avril 1844, — sur les portes et fenêtres le budget du 21 avril 1832, — sur l’impôt dans l’ancienne Athènes le livre de Boekh, t. II, p. 299. — Quant à l’impôt mobilier à Paris, il procède ainsi : rien sur les loyers inférieurs à 250 francs, 3 pour 100 sur les loyers inférieurs à 500 francs, 5 pour 100 sur les loyers inférieurs à 1,000 francs, 7 pour 100 sur les loyers inférieurs à 1,500 francs, 9 pour 100 au-dessus.