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tout entier dans le tronc d’un seul arbre. Après quatre années de navigation dans les eaux douces et dans les eaux salées, sur les lacs et sur les cataractes, il était encore parfaitement sain, et ne laissait voir aucune trace d’usure ni de pourriture.

Les forêts de la Guyane renferment encore une grande quantité d’arbres pouvant donner les bois d’ébénisterie les plus précieux, tels que le purple heart (cœur de pourpre), le tiger wood (bois tigré), et une foule d’autres dont l’énumération serait fastidieuse ; il suffira de dire qu’on voyait à l’exposition une table fabriquée par M. André Hunter de Georgetown, dans laquelle entraient soixante-cinq espèces de bois différentes. De tous ceux-ci, le plus connu en Europe est l’acajou, bien que ce ne soit pas la Guyane qui produise le plus estimé. Le meilleur acajou vient de Saint-Domingue ; il est singulièrement dur, résistant et compacte. Le prix élevé de cet acajou (il ne coûte pas moins de 500 francs le mètre cube) n’en permet l’emploi ni dans les constructions, ni même dans la fabrication des meubles massifs ; aussi le plus souvent ne sert-il que comme placage. L’acajou de Cuba est un peu inférieur au précédent ; mais il n’est pas douteux qu’on ne le fasse souvent passer pour celui-ci. Le Honduras et la Guyane produisent une troisième qualité, moins belle que les précédentes, mais qui, plus légère, plus tenace et de plus grandes dimensions, est plus propre que celles-ci aux constructions navales. Elle est aussi beaucoup moins chère, et ne coûte guère plus que le chêne. En 1855, la France a importé 10,500,000 kilogrammes de ce bois, évalués à 3,157,000 francs. Dans ce chiffre, la Guyane anglaise figure pour 195,000 kilogrammes.

Un grand nombre d’arbres de la Guyane donnent aussi des produits spéciaux susceptibles d’être utilisés dans l’industrie ou employés dans la médecine. Les uns fournissent des matières tinctoriales, comme, le bois de Brésil, le bois de campêche, l’indigo ; d’autres, comme le balata, sécrètent des gommes et des résines semblables au caoutchouc ou à la gutta-percha ; beaucoup produisent des huiles parfumées et des substances médicinales ; quelques-uns, comme le dali ou muscadier sauvage, donnent un suif végétal avec lequel on fait d’excellentes chandelles, et qui, mêlé à de l’ammoniaque, forme un savon de première qualité, ou bien, comme l’ubudi, portent des fruits savoureux[1] ; la plupart enfin ont des écorces filamenteuses ou riches en tanin, qui pourraient devenir l’objet d’un commerce considérable. Il y a dans les forêts de la Guyane d’incalculables richesses, ignorées jusqu’ici, mais que l’ex-

  1. « Il est étonnant, dit le docteur Hancock, que le fruit de l’ubudi soit encore inconnu en Europe, car c’est sans contredit le meilleur de tous les fruits du continent américain. On en fait aussi un vin délicieux, »