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marchands les font venir de l’étranger, et qu’ils vendent aux consommateurs les meubles et objets qu’ils en font fabriquer. Quant à ces derniers, ils achètent ces objets de confiance, sans se préoccuper autrement de leur origine. C’est ainsi par exemple que les noms de bois de rose, bois de violette, bois de citron, bois de jasmin, etc., servent à désigner des bois qui n’ont rien de commun avec la rose, la violette, le citronnier ou le jasmin. Quelques-uns, même parmi les plus usuels, tels que le palissandre, nous sont expédiés de certains ports de l’Amérique méridionale, sans qu’on sache encore exactement dans quelle région de l’intérieur ils croissent. On conçoit cependant combien il serait utile de connaître tous ces détails, et surtout les ressources que chaque pays peut présenter ; mais, pour être fixé sur ce dernier point, il faudrait que l’exploitation de ces bois ne fût pas abandonnée au hasard, et qu’on n’attendît pas la ruine des forêts pour prendre des mesures de conservation. Les colonies anglaises ont déjà donné l’exemple de cette sage prudence, et presque toutes ont senti la nécessité d’assurer l’avenir en réglant les exploitations. D’un autre côté, leurs catalogues de l’exposition ont été rédigés avec un soin et une abondance de détails qui en font de véritables traités de la force productive de chacune d’elles. Depuis le professeur jusqu’à l’officier, depuis le gouverneur jusqu’au colon, chacun s’est mis à l’œuvre, chacun a fourni les renseignemens qu’il possédait et qu’il pensait pouvoir contribuer à la prospérité commune. Il semble que, tout pénétrés de l’idée que c’est un devoir pour chacun d’accroître le capital commun, ils fassent individuellement tous leurs efforts, suivant la recommandation du gouverneur de la Guyane que je rappelais tout à l’heure, pour augmenter la richesse de leur nation et la puissance de leur race. England for ever !

Que parmi les nombreuses espèces d’arbres qui croissent sur notre globe il y en ait beaucoup qu’il soit possible d’acclimater chez nous, c’est chose qui n’est pas douteuse ; mais que cette acclimatation soit toujours profitable, c’est une autre question. Il ne faudrait pas s’imaginer en effet que, parce qu’on est parvenu à introduire et à perpétuer dans un pays une plante qui n’y existait pas précédemment, on ait fait une bien précieuse conquête. Pour qu’il en soit ainsi, il faut deux conditions : d’abord que la plante nouvelle ne prenne pas la place d’une plante indigène plus utile, en second lieu qu’il soit moins cher de la produire soi-même que de la faire venir des lieux où elle croît spontanément. Ce sont là des vérités qui sautent aux yeux, mais qu’il était fort difficile, il y a peu d’années encore, de faire comprendre à certains esprits. Il n’y a pas bien longtemps en effet qu’il était officiellement admis qu’une nation