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de renseignemens recueillis avec le plus grand soin et la plus louable, équité. J’aurais dû aussi exposer avec quelques détails combien les jurés français ont eu à se féliciter de l’assistance amicale qu’ils ont trouvée près des jurés des autres pays, accourus pour être des juges impartiaux dans la solennité dont la métropole du royaume-uni était l’imposant théâtre. Les sentimens dont les jurés de toutes les nations se sont montrés animés les uns envers les autres étaient tels que l’exposition n’a pas été seulement une fête industrielle : de même que ses devancières de 1851 et de 1855, elle a été pour le genre humain ce qu’étaient les jeux olympiques pour les Grecs, une réunion de famille où l’on abjurait, pour un moment au moins, des haines étroites et des rivalités aveugles et où les esprits se retrempaient dans de communes sympathies. Enfin je serais un narrateur bien infidèle et je manquerais personnellement à tout ce que commande la reconnaissance, si je n’ajoutais que la nation anglaise a senti avec grandeur que ce n’est pas un honneur ordinaire que de donner l’hospitalité à l’Europe et au monde civilisé. Elle a été magnifique et cordiale dans la réception qu’elle a faite aux étrangers, parmi lesquels elle semblait se plaire à distinguer les Français, si longtemps ses redoutables rivaux sur les champs de bataille, aujourd’hui ses dignes émules dans les arts de la paix. À l’envi les unes des autres, toutes les classes de la population anglaise ont comblé de bons procédés les exposans et les jurés du dehors. Les membres de la commission royale, si bien dirigée par lord Granville et l’homme éminent qui avait été chargé de présider les présidens des trente-six classes du jury[1], s’étaient empressés d’en donner l’exemple à leurs compatriotes, sur des proportions qu’on égalerait bien difficilement ailleurs. Le caractère qu’ont eu les relations personnelles entre les Anglais et les Français à l’exposition de 1862 suggère une réflexion et une espérance : il n’est pas possible que deux peuples qui se montrent si volontiers tant d’égards réciproques, qui ont tant d’idées communes et tant d’intérêts communs, ne finissent par nouer entre eux les liens d’une étroite amitié. Ce ne sera pas pour leur bien seulement, ce sera pour celui de l’humanité tout entière.


MICHEL CHEVALIER.

  1. Lord Taunton, plus connu sur le continent sous le nom de M. Labouchère, qu’il portait avant d’être élevé à la pairie.