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Zélande devaient-elles produire d’aussi heureuses conséquences ? On l’ignorait encore ; mais les récits des journaux étaient séduisans, et la foi des gold diggers (ouvriers qui creusent la terre pour y trouver de l’or) se montrait inébranlable. Il était près de deux heures du matin quand nous arrivâmes à Gravesend. Là du moins je pus descendre à terre, car le vaisseau s’arrêta pour faire des vivres et pour prendre quelques nouveaux passagers. Tous ceux qui étaient à bord me serrèrent cordialement la main ; dans ces momens-là, le dernier auquel on dit adieu n’est plus tout à fait un étranger. Ces voyages à la Nouvelle-Zélande ont tout le caractère d’une transition redoutable ; il y a souvent durant le trajet deux ou trois morts et deux ou trois naissances ; plus d’un navire aussi fait naufrage en doublant le cap des Tempêtes. J’attendis sur la plage de Gravesend le point du jour, et je vis alors le pauvre vaisseau d’émigrans s’éloigner avec ses voiles ; je ne le quittai des yeux que quand il fut loin, bien loin. Combien cette masse noire et en quelque sorte ailée, portant vers l’inconnu les éprouvés du vieux monde, avait l’air de l’espérance flottant sur l’abîme !

Les mines d’Otago ont-elles tenu leurs promesses ? À coup sûr elles ne se sont point montrées stériles, elles ont produit et produisent encore aujourd’hui une belle moisson d’or ; mais elles ont causé dans les commencemens plus d’un désastre. Comme on était alors sous l’impression des merveilles aurifères de l’Australie, le théâtre des nouvelles découvertes se vit en quelque sorte submergé par un déluge d’ouvriers. Beaucoup d’entre eux s’étaient jetés tête baissée dans l’aventure sans avoir devant eux aucun moyen d’existence ; ils comptaient vivre au jour le jour sur l’or qu’ils trouveraient. Par malheur, le noble métal ne se prodigue point, il faut pour le saisir avoir, comme on dit, la main heureuse ; d’un autre côté, le prix des vivres étant très élevé, quelques-uns des chercheurs d’or moururent presque de faim ; les autres se retirèrent découragés. Après tout, cette réaction a été utile en ce sens qu’elle n’a laissé sur les lieux que le nombre de bras nécessaire pour exploiter un champ de travail et de richesse à coup sûr fructueux, mais limité. Au moment où l’attention se détournait des fouilles d’Otago, la fureur des entreprises se porta sur un autre point des colonies anglaises. Il y a quelques années, British-Columbia avait à peine un nom sur la carte du Nouveau-Monde ; aujourd’hui ce nom vole en Angleterre sur toutes les bouches. À quoi doit-on attribuer un tel changement ? On l’a deviné, à la découverte de l’or. Cette découverte fut pourtant d’une éclosion lente et laborieuse. Dès 1856, M. Douglas, gouverneur de l’île Vancouver, avait écrit à Londres au chef du département des colonies pour lui annoncer qu’on avait trouvé de l’or dans la Colombie britannique. Il ne reçut qu’une réponse assez sèche ; le gou-