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vernement anglais se défiait évidemment des illusions qui pouvaient se mêler à cette première reconnaissance du sol, ainsi que les fausses couleurs au creuset des alchimistes. Peu à peu néanmoins la rumeur publique et les rapports du parlement imprimés dans les blue books répandirent la grande nouvelle. Ce ne fut guère qu’en 1858 que l’imagination des Anglais s’enflamma ; une des premières conséquences et peut-être la plus solide de ces bruits merveilleux fut d’ouvrir aux explorations de nos voisins une vaste colonie qu’ils possédaient sans la connaître. Le territoire qui s’étend sur la côte ouest de l’Amérique, au point d’intersection des États-Unis et des possessions russes, n’était guère considéré jusque-là que comme une contrée impénétrable et habitée par des sauvages qui viraient du produit de leur chasse[1].

La plupart des découvertes de l’or sont anonymes en ce sens qu’elles ont été faites à la fois sur plusieurs points et par plusieurs individus. Un des premiers mineurs qui aient enfoncé la pioche dans les champs aurifères de British-Columbia était toutefois un Écossais nommé Adams. Il voyageait sur le territoire de la baie d’Hudson lorsque, s’étant arrêté à l’un des comptoirs, il apprit d’un ami que des Indiens vivant près de Fraser-River avaient apporté à ce même comptoir de la poudre d’or qu’ils avaient offerte pour la vente. Cette nouvelle lui fit dresser les oreilles, car Adams avait été mineur dans la Californie, et il résolut d’examiner les faits par lui-même. Il se mit donc aussitôt à suivre la trace de ces Indiens, et finit par les découvrir dans leur hutte, occupés à laver de l’or dans des corbeilles. S’étant rendu lui-même sur les bords de Fraser-River, il reconnut que le terrain était riche en or, loua un couple d’Indiens et travailla avec eux durant trois mois. Las de vivre loin de la société des blancs et ayant recueilli dans ces trois mois la valeur de plus de 1,000 dollars, il quitta les lieux et confia plus tard son histoire à des matelots américains qui l’accompagnèrent l’année suivante sur le théâtre des travaux commencés. Cependant la rumeur de cette découverte s’était répandue à Victoria, la capitale de l’île Vancouver, et avait même gagné San-Francisco, d’où les mineurs accoururent.

Depuis lors, les champs d’or de la Colombie britannique, mal connus et mal définis à l’origine, ont pris une place certaine sur la carte ; les plus riches paraissent être sans contredit ceux de Cariboo, situés le long de Fraser-River et en face des Montagnes-Rocheuses.

  1. La Revue des Deux Mondes a publié une intéressante étude sur l’île Vancouver et la Colombie anglaise (15 août 1861) ; mais l’auteur de ce travail, M. Alfred Jacobs, n’a pu s’occuper qu’en passant des mines d’or, dont l’exploitation n’était point alors développée. L’étendue et la valeur de ces mines ne sont même point encore très connues ; en les signalant, je ne veux ici que donner une idée de l’impression produite en Angleterre par les premiers récits, vrais ou exagérés.