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qui faisaient métier de les envoyer en Angleterre ou ailleurs. Aujourd’hui presque tout homme qui a trouvé de l’or brut sous n’importe quelle forme se présente à l’une des banques qui existent dans toutes les colonies anglaises ; là, le minerai est fondu, c’est-à-dire converti en lingots, et le prix est estimé au poids, soit 76 shillings par once. Suivons maintenant ces lingots à la Banque d’Angleterre, le grand rendez-vous de l’or.


II.

Le vaste édifice qui porte le nom de Banque d’Angleterre s’étend sur une surface de terrain enveloppée par quatre rues ; dans l’une de ces rues adjacentes, Lothbury, s’aligne une longue masse d’architecture qu’on pourrait appeler l’arrière-façade des bâtimens ; là s’ouvre une grande porte cochère constellée de grosses têtes de clous, encadrée dans une voûte de pierre en forme d’arcade et masquant derrière elle une grille de fer qui s’adapte aux deux solides battans revêtus de plaques de tôle. À l’autre extrémité de ce vestibule, il y a une seconde grille ouverte qui conduit dans une première cour où l’on se trouve en face d’une troisième grille fermée et doublée jusqu’à une certaine hauteur de fortes lames de fer. Dans l’épaisseur de ces lames ont été pratiqués d’étroits guichets, sorte de meurtrières d’où les soldats retranchés derrière la grille pourraient tirer au besoin sur la foule des assaillans, sans être eux-mêmes exposés aux balles. Ces dispositions stratégiques ont été introduites il y a quelques années, lors du mouvement des chartistes. En Angleterre, où toutes les réformes peuvent s’accomplir dans l’état par des voies légales, on suppose aisément aux émeutiers des intentions de pillage. Cette troisième grille défend une seconde cour, recouverte à une assez grande élévation par un toit de verre. De lourdes voitures pesamment chargées, à en juger du moins par la force des chevaux et par l’ébranlement qu’elles impriment au pavé, pénètrent de temps en temps sous les deux voûtes jusqu’à cette seconde cour intérieure, où elles s’arrêtent à gauche devant une aile de bâtiment sur laquelle on fit : Bullion office. Les Anglais donnent le nom de bullion à toutes les matières d’or ou d’argent se présentant sous une autre forme que celle de pièces monnayées. Ces voitures déchargent en effet à la porte de l’office (bureau) des caisses de bois blanc qui contiennent des richesses métalliques. On devine que le public est exclu de cette cour, et à plus forte raison des bureaux. Si pourtant quelqu’un est appelé là pour affaires ou admis en vertu d’une autorisation spéciale, il pousse la porte et se trouve dans un couloir vitré d’où il aperçoit à droite et à gauche deux salles éclairées par de hautes fenêtres cintrées et dans lesquelles règne un religieux si-