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lence. Dans l’une de ces salles, — celle de gauche, — on reçoit, on pèse et on vérifie les lingots. Il faut savoir en effet que la Banque d’Angleterre est tenue par la loi d’acheter toute quantité d’or d’une pureté convenue (of standard fineness) qui lui est offerte à raison de 3 livres sterling 17 shillings 9 pence l’once[1]. Cet or, d’où qu’il vienne et sous quelque forme qu’il apparaisse, doit pourtant, comme mesure de précaution, être d’abord fondu par les fondeurs de la Banque. Il existe bien, il est vrai, une manière de contrôler la qualité de l’or : cette méthode consiste à couper, à l’aide d’une machine, un coin du lingot et à soumettre ensuite ce coin détaché de la masse aux expériences des essayeurs ; mais la fraude pourrait encore se glisser à côté de la pierre de touche : les coins pourraient être purs, et le milieu du lingot contenir une partie d’alliage. Pour défier tout subterfuge, la Banque trouve prudent, — car ici l’erreur serait grave, — de faire refondre toutes les matières d’or ou d’argent par des mains sûres et habiles. Cette opération délicate, qui exige des fourneaux et des appareils chimiques, ne saurait se pratiquer dans l’intérieur de la Banque ; elle constitue donc une branche d’industrie privée que nous devons poursuivre à Londres chez les gold metters and refiners (fondeurs et raffineurs d’or).

Cette même rue Lothbury, qui s’étend derrière la Banque d’Angleterre, donne passage à une ruelle que les habitans de Londres appellent Founders-court. Comme il arrive souvent, le nom est resté, quoique la raison d’être du nom ait disparu depuis longtemps ; 6ar si l’inscription de la ruelle et le voisinage de la Banque indiquent assez qu’autrefois il y avait là des fondeurs, il n’y en a plus aujourd’hui. Il n’existe dans la ville que trois grands établissemens pour la fonte des métaux précieux : ce sont ceux de Rothschild, de Browne et Wingrove et de Johnson et Matthey[2]. La fonderie de M. de Rothschild est de beaucoup la plus considérable de toutes ; mais, comme elle n’emploie guère que des étrangers, j’aime mieux m’arrêter à une maison ayant un caractère bien anglais. Je fus conduit chez MM. Browne et Wingrove, fondeurs et raffineurs de la

  1. Lors des découvertes de la Californie et de l’Australie, quelques économistes déclarèrent que la valeur de l’or ne tarderait point à décroître. Depuis 1848, près de 160 millions de livres sterling ont été ajoutés à la richesse de l’Europe et de l’Amérique ; mais la prédiction des économistes ne s’est point réalisée jusqu’ici. Peut-être avaient-ils perdu de vue deux ordres de faits : d’abord les demandes toujours croissantes des fabriques où l’or est employé pour les arts utiles, et ensuite la distribution très restreinte des couches aurifères dans la contexture du globe terrestre. En raison de cette dernière circonstance, les géologues n’ont jamais partagé les craintes des économistes sur la dépréciation future de l’or.
  2. Je parle ici des fondeurs qui travaillent pour la Banque d’Angleterre, car on rencontre ailleurs, mais surtout dans Clerkenwell, beaucoup d’autres usines d’un caractère différent où l’on prépare l’or pour les orfèvres.