Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/804

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

renferme les matières d’or et d’argent. Il y avait là des richesses à faire envie au roi Crésus, de massifs lingots d’argent que je n’avais point la force de soulever, de la poudre ou du minerai d’or qui avait passé la mer dans des caisses de bois. Les travaux peuvent se diviser en trois branches qui se trouvent représentées par les trois départemens de l’usine. Il y a l’atelier où se fondent l’or et l’argent (melting room), celui où l’on raffine l’argent, dégagé ainsi du plomb ou du cuivre qui se trouvent associés à ce métal (refining room), et enfin celui où les ouvriers séparent l’or de l’argent et l’argent de l’or (parting room). Nous entrerons d’abord dans la fonderie.

C’est une belle et vaste salle au plancher de fer, au toit de fer et aux murs de brique ; c’est la même que nous avons comparée pour l’extérieur à une chapelle, mais l’intérieur ressemble beaucoup mieux à ces lieux de damnation dont les prédicateurs méthodistes menacent peut-être trop souvent leur auditoire. On pourrait dire dans tous les cas, en adoptant leur langage, que c’est le purgatoire des métaux précieux. Il y a dans le melting room trente-deux fournaises chauffées au coke ; quand elles sont toutes allumées, on peut fondre à la fois 32,000 onces d’argent ou d’or. Il se trouvait ce jour-là sur le plancher de fer des nuggets d’or qui avaient figuré à l’exposition de 1862, l’un entre autres pesant 200 onces et venant d’Australie ; on voyait en même temps des masses d’argent dont quelques-unes avaient été auparavant broyées sous un marteau mû par la vapeur et assenant des coups de la pesanteur de 12 tonnes. Le nugget d’or fut d’abord déposé dans un pot fait de terre et de mine de plomb, qu’on appelle crucible. Ces pots, de toutes les grandeurs, mais à peu près de la même forme, s’étagent par centaines sur des planches enfumées dans toute la longueur de la salle. Alors une des portes en fer qui masquent les fours ardens s’ouvre, et l’on voit apparaître à l’intérieur une clarté incandescente qui fatigue les regards. Le creuset est plongé dans cette bouche de feu. Dès que le métal entre en fusion, un ouvrier écume avec un instrument de fer la surface de l’or bouillant. Cette écume d’or est précieuse ; on la recueille avec soin, et on la soumet à une sorte de lavage pour en extraire les parties qui ont de la valeur. Au bout d’environ vingt minutes, la face de l’or fondu (c’est l’expression employée par les gold melters) se montre pure ; on dirait de la lumière liquide. Cet éclat est si vif en vérité que les gens du métier seuls peuvent le poursuivre à l’œil nu ; les étrangers regardent volontiers ce qui se passe dans le foyer à travers un morceau de verre violet semblable à ceux dont on se sert pour observer le soleil un jour d’éclipsé. Cependant l’ouvrier a préparé un moule de fonte terminé par un manche ou une queue ; après avoir jeté quelques pincées de poudre noire à la surface du métal lumineux, il retire le creuset du feu avec des pinces,