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comme une éponge sèche. Pour les dépouiller de toute humidité, on les présente encore à la chaleur dans une passoire de cuivre (calander) ayant un peu l’apparence des poêles trouées dans lesquelles on fait rôtir les marrons. Désormais les ronds d’or (blanks) sont jugés dignes de recevoir l’empreinte qui doit les élever à la dignité de pièces de monnaie légale ; ils se trouvent par conséquent transportés sur des plateaux de cuivre dans le stamping ou coining room salle où ils vont être frappés.

En entrant dans ce département des travaux, il est difficile de ne point se sentir frappé du grand aspect qui s’offre aux regards ; je ne parle point de l’étendue de la salle, qui, malgré la nudité de l’architecture, est une des plus monumentales du Royal Mint ; j’ai surtout en vue le caractère imposant et superbe des agens mécaniques. Sur un soubassement de pierre, d’où s’élancent de distance en distance vers le plafond de robustes piliers de chêne, s’élève une rangée de huit colossales presses à imprimer les monnaies, coining presses. Huit jeunes gens, boys, assis et comme ensevelis jusqu’à mi-corps dans des trous carrés ou fausses trappes qui s’ouvrent à l’intérieur de la massive plate-forme en pierre revêtue d’une couverture de fonte, se contentent de verser de temps en temps dans un tube soixante blanks à la fois ; ceci fait, chaque machine travaille toute seule sans être aidée par la main de l’homme. Comme ces presses automatiques se meuvent en vertu d’un mécanisme invisible, on dirait qu’elles vivent ; les ouvriers ajoutent même qu’elles parlent, et elles font en effet autant de bruit que de besogne. Sur le lit de la presse est placé un des dés ou poinçons en acier, die ou matron, délicats ouvrages d’art qui se gravent dans l’établissement d’après le dessin primitif de M. Léonard Wyon. Ce type a été reproduit religieusement depuis l’avènement au trône de la reine Victoria et ne varie jamais ; la reine Victoria ne vieillit point sur les pièces d’or. Au moment où le balancier s’abaisse, le blank se trouve étroitement enfermé par le jeu intérieur de la machine dans un collier, collar, entre deux dés, l’un placé au-dessus de lui, l’autre au-dessous, de telle sorte qu’il puisse recevoir à la fois toutes les impressions sur les deux faces et sur la bordure. Chaque coup fait un souverain, et le balancier frappe de soixante à quatre-vingts coups par minute. Au moment où je visitai ce coining room, il n’y avait que deux machines en action ; je demeurai environ une heure à contempler ce grave et ingénieux mécanisme : c’étaient donc 7,200 liv. st. qui avaient été frappées durant ce temps-là ; qu’eût-ce été, si, comme il arrive souvent, toutes les presses avaient fonctionné dans la même salle ! 28,800 livres sterling, c’est-à-dire une fortune. Le souverain imprimé est aussitôt chassé par un ressort de la machine comme par un doigt, et roule négligemment avec la figure de la reine d’un