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sidèrent plus le phare comme une terrible divinité siégeant au milieu des écueils pour assister ironiquement à l’infortune des naufragés; mais ils le bénissent comme un dieu qui leur montre de loin l’entrée du port et les guide par son rayon sauveur. Et ce phare superbe, dominant le tumulte des flots et sondant incessamment l’horizon de son grand œil qui tourne, n’est-il pas en effet l’ami secourable des matelots, et ne doit-il pas leur apparaître comme un être animé, jouissant d’une vie personnelle? Pour tous les hommes égarés sur les eaux, sa lumière n’est-elle pas vraiment un regard de la patrie commune, et ne condense-t-elle pas dans son rayon la sollicitude de tous les frères restés sur le continent? Le phare ne connaît pas d’étrangers; il éclaire tous les marins sans exception, égayant devant eux la surface des flots jadis si redoutables.


II. — LA PÉNINSULE D’ARVERT. — LE PERTUIS DE MAUMUSSON.

La terre qui s’étend au nord du golfe de Cordouan forme une remarquable péninsule désignée ordinairement sous le nom de presqu’île d’Arvert d’après un village qui en occupe le centre. Presque parfaitement rectangulaire, elle s’étend du sud-est au nord-ouest sur une longueur de 25 kilomètres environ et 10 kilomètres de largeur moyenne. La Seudre, bras de mer auquel ses marais salans et ses nombreux parcs à huîtres donnent une importance commerciale très considérable, la limite au nord-est et la sépare des terres basses de Marennes. A l’origine de la péninsule, entre Royan et Saujon, quelques chaînes de coteaux s’enracinent au plateau calcaire de Coze et de Gémozac; mais, en se développant vers l’extrémité de la presqu’île, ces chaînes s’affaissent, s’écartent peu à peu, et bientôt ne forment plus que de simples renflemens entourés de dépressions jadis remplies par les eaux. C’est là, sur d’anciens îlots aujourd’hui rattachés à la terre, que s’élèvent les derniers villages; mais, plus à l’ouest, les formations rocheuses disparaissent complètement sous le sable ou la tourbe, et ne plissent pas même le sol en légères éminences. Plus de champs cultivés ni de cabanes : on ne voit que des collines de sable, les unes encore mobiles, les autres couvertes de semis ou de forêts. Les dunes d’Arvert, environnées de tous côtés par la mer et par des marécages récemment desséchés, occupent une superficie d’environ 90 kilomètres carrés.

Plus accessibles que celles des Landes et de la Gironde, les dunes d’Arvert ne sont pas moins curieuses à visiter, et dans un espace plus restreint offrent les mêmes phénomènes. La principale, située à l’extrémité nord-ouest de la péninsule, non loin de la ville de La Tremblade, a été soulevée par les vents jusqu’à la hauteur de