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de la Bretagne, soit de la Vendée, car les collines de Saintonge offrent seulement des assises calcaires dont la désagrégation ne peut servir à former l’argile[1]. Des bancs de coquillages marins, composés d’espèces actuellement vivantes, se trouvent assez fréquemment dans la péninsule qui sépare la Seudre de la Gironde. Les vastes marais qui recouvrent une grande partie du pays, tels que ceux de Saint-Augustin, des Mattes, d’Arvert, de Mornac, de Saint-George, de Méchers, sont unanimement considéré comme d’anciens bras de mer, et sur nombre de vieilles cartes on les voit tracés comme autant de baies séparées de l’Océan par des cordons littoraux. Enfin d’antiques falaises, qui s’élèvent aujourd’hui au-dessus de paisibles prairies, portent à leur base des traces évidentes de l’assaut des flots : tels sont, sur les bords de la Gironde, les rochers qui portent le Vieux-Mortagne.

Un grand nombre de faits, corroborés par la tradition, semblent prouver que cet exhaussement du sol n’a pas cessé de se produire pendant les âges historiques et qu’il continue de nos jours. C’est ainsi que près d’un village appelé encore Saint-Augustin-sur-Mer, bien qu’il soit très éloigné de la côte, on aurait découvert dans les marais des ancres et des restes d’embarcations d’un fort tonnage; ailleurs, les paysans prétendent avoir vu, scellés dans le rocher, des anneaux où s’amarraient les navires. Une foule de noms rappellent le séjour des eaux marines dans des localités situées actuellement à plusieurs lieues du rivage. Immédiatement au nord de la Seudre, le district de Marennes était tellement coupé de bras de mer et de canaux qu’on l’avait appelé le Colloque-des-Iles. La péninsule d’Arvert eût également mérité ce titre : tous les monticules sur lesquels sont construits ses villages étaient environnés d’eau salée et tous ses marais forment des anses qui portent encore le nom de ports. La Seudre, où flottait, sous le règne de Louis XIII, un navire de 2,000 tonneaux, ne saurait plus admettre aujourd’hui de grands navires de guerre, et les quarante petits embranchemens navigables, avec lesquels elle communiquait, sont actuellement réduits de près de moitié. Il serait vraiment étonnant que les alluvions apportées par la mer et les ruisseaux de l’intérieur eussent suffi pendant ces derniers siècles pour combler tant de baies, de canaux, de ports et de havres : il est plus croyable que, dans cette région de la France, le sol participe au mouvement d’ascension constaté déjà pour les côtes limitrophes de l’Aunis et du Poitou. Du reste, il existe des preuves positives de soulèvemens locaux accomplis pendant l’époque actuelle dans la péninsule de la Seudre. C’est ainsi que non loin de

  1. Cette argile, qui est généralement connue sous le nom de bri, se compose, d’après M. Fleuriau de Bellevue, de 44 parties de silice, de 33 parties d’alumine et de 18 de carbonate de chaux.