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Royan, à Saint-George-de-Didonne, le marais de Chenaumoine, qui fut jadis une baie de l’estuaire girondin, a été graduellement séparé de la mer, non-seulement par les dunes, mais encore par un banc de rochers calcaires, à travers lequel il a fallu creuser un profond canal pour rétablir l’effluent du marais. A quelques kilomètres de Saint-George, près du village de Talmont, on remarque une ancienne plage contenant des débris de l’industrie humaine et située au-dessus de l’estuaire : il faut donc qu’elle se soit élevée pendant les âges récens. M. Le Terme, auquel on doit un livre très curieux, publié en 1825, sur l’arrondissement de Marennes, nous apprend aussi qu’il existait à La Tremblade, avant le creusement du chenal actuel, un écours ou chenal dont le fond solide ne cessait de s’exhausser d’une manière régulière malgré les dragages constans. Les habitans du pays constatent ce phénomène en disant que « la banche croît. » Cette croissance de la banche ou fond du canal doit-elle être simplement attribuée à des causes locales, ou bien faut-il la rattacher à une loi dont l’effet serait général pour toute la péninsule? Avant que la science ait prononcé un jugement définitif, c’est la dernière hypothèse qui doit sembler la plus probable.

Quoi qu’il en soit, que le sol s’exhausse lentement ou bien qu’il garde constamment le même niveau, les vagues de la mer ne cessent d’empiéter sur les rivages. Tandis que l’Océan abandonne ses baies, ses criques et les estuaires qui frangeaient autrefois profondément l’intérieur de la péninsule, il tend sans cesse à régulariser la ligne des côtes en rongeant la base des dunes, en rasant les promontoires. Jadis, on le comprend, les chaînes de montagnes et de collines ou bien les simples monticules qui s’élèvent au bord de la mer devaient, à des degrés divers, donner aux rivages la structure remarquable qu’offrent aujourd’hui les âpres côtes de la Norvège et de l’Écosse, découpées en fiords profonds, hérissées d’étroites péninsules; mais, sur tous les contours des continens et des îles, la mer travaille à redresser la ligne de ses rivages par la formation des barres et des cordons littoraux, par l’ensablement des baies, par l’affouillement des caps. En Scandinavie et dans tous les pays où les baies ont une profondeur considérable, où les pointes sont composées de rochers opposant à l’assaut des vagues une grande force de résistance, la mer n’a pu encore accomplir son œuvre; en revanche, sur les côtes basses, connue celles des Landes et de la Saintonge, la rectification des plages progresse à vue d’œil, pour ainsi dire. Aujourd’hui la partie du rivage de la péninsule d’Arvert, tournée vers la haute mer, est aussi rectiligne que le permettent les molles ondulations produites sur le sable par le ressac des flots. Les deux pointes extrêmes, qui terminent au sud et au nord la ligne régulière de la côte, reculent chaque année. De 1825 à 1853, la Pointe-de-la--