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l’espoir de contempler le Maelström de la Saintonge s’en retournent désenchantés ; mais pendant les orages ou simplement lorsque la tempête se prépare, ou bien encore lorsqu’une brume sèche, aux fortes tensions électriques, pèse au loin sur les eaux, alors, pour nous servir de l’expression des marins, Maumusson grogne, et l’on peut entendre son effroyable mugissement jusqu’à 20 kilomètres de distance. Les brisans écumeux roulent avec fureur sur les bancs de sable, et se dressent comme des murailles blanches au milieu de l’entrée. Des remous, formés par la rencontre des deux courans, tourbillonnent en longs cercles des deux côtés de la barre et se creusent en entonnoirs, comme des gouffres sous-marins. Le sable, soulevé par les vagues de fond et devenu mobile, roule en lames énormes à travers le détroit et vient s’abattre sur les plages en larges flots, qu’une seconde vague emporte pour les lancer de nouveau sur le bord avec une terrible force d’impulsion. Malheur au navire qui se trouve alors dans ce bouillonnement de flots composés à la fois d’eau et de sable! Même lorsque Maumusson se repose comme un lion rassasié de proie, les embarcations ne peuvent franchir heureusement le pertuis qu’à la condition d’être poussées par une brise constante. Si le vent cessait tout à coup de souffler, le navire serait infailliblement entraîné sur les brisans et bientôt démoli par les vagues.

En dépit des bouées, des balises, des phares et des sémaphores, presque tous les parages de la côte d’Arvert offrent aussi de sérieux dangers aux navigateurs pendant les tempêtes. Entre la Pointe-de-la-Coubre et le fort ruiné de Terre-Nègre, le long de ce rivage que les baigneurs de Cordouan connaissent sous le nom de Grande-Côte, on rencontre, à demi enterrées dans le sable, bien des carcasses d’embarcations, bien des membrures de navires rongées par les tarets, bien des rames ayant appartenu à des pêcheurs ou à des matelots dont les cadavres ont aussi parsemé la plage. Le bas-fond de la Barre-à-l’Anglais, situé presque directement au nord de Cordouan, est surtout redoutable. Même par un beau temps, on y voit trois ou quatre lignes de vagues se pourchasser et déferler les unes au-dessus des autres en cataractes tonnantes : aussi loin que le regard peut atteindre, on aperçoit ces brisans qui se prolongent parallèlement à la plage, et sur lesquels flotte un éternel brouillard d’écume s’élevant en tourbillons comme de la poussière. Plus à l’est, la côte rocheuse qui commence à l’ancien fort de Terre-Nègre et se développe dans la direction de Royan subit des assauts bien moins terribles que la Barre-à-l’Anglais. Les vagues qui viennent frapper sur les falaises et rejaillir en pluie jusqu’à une grande hauteur produisent certainement un effet des plus pittoresques; mais déjà la force de la mer est en partie rompue par les bancs de sable et les