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un mouvement total de 350,000 tonneaux[1] par année, comprenant une forte proportion de marchandises à destination de Bordeaux et des bords de la Gironde. Si les moyens de communication étaient améliorés entre la Seudre et Royan, soit par une voie ferrée, soit par un canal maritime, nombre d’expéditeurs auraient intérêt à choisir cette voie, plus courte et plus sure, et leurs navires éviteraient ainsi les débouquemens parfois dangereux du pertuis d’Antioche on du pertuis de Maumusson. Déjà c’est exclusivement par le port de Royan que les pêcheurs de la Seudre expédient à Bordeaux les huîtres de La Tremblade et les sardines de Saujon, mieux connues sous le nom inexact de royans.

Envahie par cette ambition si commune en France, hélas! qui consiste à mendier les faveurs du gouvernement plutôt que de faire appel à l’initiative locale ou provinciale, la petite ville de Royan ne se borne pas à rêver pour elle-même l’avenir d’un port de transit; comme plusieurs autres localités de la Basse-Gironde, elle ne voudrait rien moins que devenir le grand avant-port de Bordeaux, le Saint-Nazaire du fleuve de l’Aquitaine. Certes ce n’est point la profondeur qui manquerait au nouveau port : presque au ras de la pointe que couronne le fort de Royan, la mer offre de 20 à 30 mètres d’eau, et si le fond se relève un peu du côté un large, on ne le trouve nulle part à moins de 14 mètres au-dessous du niveau des basses mers. Il suffirait de construire sur une longueur de 800 mètres environ l’une de ces puissantes jetées, qui font aujourd’hui la gloire des ingénieurs, pour ménager aux navires une rade de plus de 200 hectares de superficie, sans compter les bas-fonds inclinés en pente douce vers les plages de la conche. Les frais d’établissement seraient considérables; mais ce n’est pas dans la question financière qu’il faut chercher le grand obstacle à la réalisation des vœux de Royan. La puissante cité bordelaise, jalouse de sa suprématie, ne permettra que difficilement la création d’une rivale sur les côtes de la Gironde, et quand elle sera forcée, dans son propre intérêt, de céder aux trop légitimes instances des marins que rebute la longue et coûteuse navigation du fleuve, nul doute qu’elle ne réclame impérieusement en faveur d’un point de la rive gauche. Afin que son avant-port maritime soit à la fois aussi dépendant et aussi rapproché que possible, la métropole exigera qu’il se creuse dans les limites du département de la Gironde et puisse être relié directement par un chemin de fer à ses vastes entrepôts. La ville de Royan caresse donc en vain ses beaux rêves de grandeur ; qu’il lui suffise de faire rebâtir sur un meilleur plan et de plus vastes dimen-

  1. 362,700 en 1857. Dans la même année, le mouvement des entrées et des sorties était pour le port de Royan de 7,300 tonneaux seulement.