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de la cause du nord, qui est celle de la constitution et des lois et celle de la liberté. Nous l’aurions excusée d’avoir oublié, au milieu du bruit des combats, l’idylle ébauchée dans le calme de la paix. C’est uniquement par une honorable fidélité aux engagemens qu’elle avait contractés envers le public et envers ses éditeurs que Mme Stowe a repris la plume et a conduit jusqu’au bout le récit qu’elle avait interrompu. Nous nous figurons qu’elle a dû plus d’une fois faire effort sur elle-même pour fermer l’oreille à la grande voix du canon et se consacrer tout entière aux faits et gestes de Mosès Pennel et de Mara Lincoln. Si naturelles qu’aient été les préoccupations de l’écrivain, si légitimes, si inévitables même qu’aient été les distractions qui ont assiégé sa pensée, la critique inflexible, qui n’a devant elle que le livre, ne saurait abdiquer ses droits. Elle doit dire à Mme Stowe : Ce n’est pas impunément que votre cœur généreux a saigné de toutes les blessures de la patrie ; ce n’est pas en vain que les bruits du dehors ont arrêté votre plume au milieu de la page inachevée. Non, ce n’est pas ici l’œuvre commencée avec amour, et que nous avions entrevue parée de toutes les délicatesses de votre esprit et de toutes les grâces de votre pinceau. Le souffle destructeur de la guerre civile a emporté, comme dans un tourbillon, ces figures aimables que vous aviez seulement esquissées, et votre imagination distraite n’a pu en ressaisir et en fixer les contours.

Est-ce à dire que cette seconde partie de la Perle de l’île d’Orr, pour être inférieure à la première, soit indigne de Mme Stowe? Ce serait pousser trop loin la rigueur que de le penser, et les citations que nous aurons occasion de faire nous donneraient tort auprès du lecteur. Seulement cette suite ne répond pas aux espérances qu’avait fait concevoir le début : elle ne montre pas, comme nous nous y étions attendu, le talent de l’auteur sous un nouveau jour; enfin elle ne tient pas les promesses qui nous avaient été faites. Mme Stowe avait annoncé une démonstration et une histoire, elle n’a donné ni l’une ni l’autre. Pour s’excuser d’avoir pris ses deux héros au berceau et d’avoir consacré tout un volume à leur enfance, l’auteur disait dans la préface de la première partie qu’elle avait voulu montrer les influences morales qui agissaient sur Mosès et Mara dès leurs premières années. Le caractère du jeune homme et de la jeune fille devait avoir une action décisive sur leur destinée, et il était essentiel que le lecteur assistât, pour ainsi dire, à la formation de ces deux caractères. Cette étude préliminaire, si longue et si minutieuse qu’elle pût paraître, était la clé indispensable du récit qui viendrait ensuite. Cette déclaration et quelques remarques en forme de conclusions, disséminées dans le cours de la première partie.