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« Nombreuses furent les paroles échangées dans cette étonnante communion des âmes, et, avant que miss Roxy se retirât, le calme d’un repos plein de solennité était descendu sur eux tous. La vieille bible de la famille fut ouverte, et Zéphaniah Pennel y lut ces admirables paroles de consolation et d’encouragement qui enlèvent à la mort son aiguillon et au tombeau sa victoire : « Et j’entendis une grande voix qui venait du ciel et qui disait: « Regarde, le tabernacle de Dieu est parmi les hommes, et lui-même habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera parmi eux et sera leur Dieu. Et Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux, et il n’y aura plus de mort, ni de chagrin, ni de pleurs, car les choses d’autrefois seront passées pour toujours. »


La tante Roxy, Sally Kittridge, tous les amis de la maison sont de même, et sans plus de formalités, mis au courant de la situation de Mara, et tout ce monde, après avoir commencé par pleurer quelque peu, prend son parti de la perdre. On s’entretient devant elle et avec elle-même de sa mort comme d’une chose réglée et convenue, absolument comme on causait auparavant de son mariage avec Mosès et des apprêts de sa noce. On n’y met pas plus de façon. C’est même un sujet d’édification et de contentement pour tout le voisinage que de savoir à quel point Mara est résignée, à quel point elle est préparée à ce qu’on appelle une mort triomphante. Il va sans dire qu’on ne verse plus de larmes à la maison.


« La vue de Mara assistant assise tous les jours aux prières de la famille avec une douce tranquillité et le sourire sur les lèvres produisait l’effet d’une inspiration d’en haut. Les deux vieillards savaient qu’elle n’appartenait déjà plus à ce monde, et cependant elle était pour eux une consolation et un encouragement, comme l’ange qui autrefois leva la pierre du tombeau et s’assit dessus. Ils voyaient dans ses yeux non pas la mort, mais la victoire solennelle que le Christ donne sur la mort. »


Maintenant tout cela est-il vrai au point de vue de la réalité et au point de vue de l’art ? Nous ne le pensons pas. Il est impossible que la nature humaine soit si différente des deux côtés de l’Océan. Nous demanderons à Mme Stowe si c’est un sermon ou si c’est un roman qu’elle a entendu écrire. Si c’est un sermon, il sera forcément stérile, parce qu’il rencontrera chez le lecteur une invincible incrédulité. Personne n’admettra comme possible la facile et imperturbable résignation de Mara et de tous ceux qui l’entourent, si vous ne montrez comment, au prix de quelles luttes et par quels degrés la résignation se substitue dans une âme chrétienne à la douleur la plus naturelle et la plus légitime. Êtes-vous sûre d’ailleurs de ne pas excéder les limites de la pure littérature, et croyez-vous que le talent le plus fécond ne soit pas ici frappé d’impuissance ? Quand vous voulez faire pénétrer dans les âmes les grandes