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LA
RÉVOLUTION GRECQUE

Deux grandes questions agitent et rempliront notre siècle, auprès desquelles toutes les autres ne sont que secondaires : la fin de la papauté temporelle et politique, et la fin de cette autre théocratie qui s’appelle l’empire ottoman. De ces deux questions capitales, la première, en apparence suspendue, n’en marche pas moins silencieusement vers sa terminaison certaine; la seconde, ouverte depuis bientôt quarante ans, vient de faire un pas immense par la révolution grecque.

Cette révolution, qui a paru une surprise pour les esprits inattentifs, était cependant préparée depuis longtemps, et si elle est tombée subitement dans le monde, c’est comme tombe de l’arbre le fruit mûr, sans violence et sans effort. Jamais coup de théâtre ne s’accomplit plus aisément, jamais changement de décors ne s’effectua avec moins d’embarras. On peut justement dire du dernier roi des Grecs : transivi et jam non erat; il a disparu non pas dans une tempête, mais, comme on l’a dit quelque part, dans la fumée d’un bateau à vapeur. De ces quatre planches recouvertes de velours qu’on appelle un trône, il n’est resté que de la poussière, pas même des morceaux. En général, une dynastie qui tombe conserve, du moins pendant quelque temps, soit des partisans à l’intérieur, soit des soutiens à l’extérieur. Il n’est venu cette fois à l’idée de personne que la chute ne fût pas définitive et irrévocable, ou que la révolution pût jamais être suivie d’une restauration. Il n’est entré dans la tête d’aucun souverain de l’Europe de se faire le protecteur ou seulement de se regarder comme solidaire d’un roi tombant tranquillement dans le vide.